Il craignait qu’en revenant de l’?le, ils fassent tous deux comme s’il ne s’était rien passé. Dionysos avait essayé, mais réprimer son désir lui donnait l’impression de suffoquer.
Ariadne répondit à ses caresses avec le même enthousiasme, remontant ses mains sur son torse jusqu’à entourer son cou. Elle se colla à lui, pressant sa poitrine contre la sienne, et Dionysos poussa un grognement.
— J’ai envie d’être en toi, dit-il, mais quelqu’un se racla la gorge.
Ils rompirent le baiser et se trouvèrent face à Hermès.
— Eh bien, voilà qui était divertissant, dit le dieu.
Dionysos se pin?a le haut du nez.
— Qu’est-ce que tu veux, Hermès ?
— Hadès veut vous voir. Il veut parler de l’Ophiotauros.
Dionysos regarda Ariadne.
— Je peux vous laisser quelques secondes, dit le dieu de la Ruse. Vous savez, pour vous en remettre.
— On va très bien, dit Ariadne.
— Parle pour toi, dit Hermès en rivant son regard sur l’entrejambe de Dionysos.
— Va te faire foutre ! lan?a Dionysos. Allons-y.
— Oh, ce n’est pas moi qui vous emmène, dit Hermès. Je dois me rendre à un événement, une voiture vous attend en bas. Dites bonjour à Antoni de ma part.
*
* *
Antoni les emmena à l’Iniquité, où ils trouvèrent Hadès installé à une table du bar réservé aux membres. Il avait un verre de whiskey à la main, et dans l’autre, un objet doré qui brillait, c’était une obole, une pièce de la monnaie des morts. Ilias était assis à quelques pas et hocha la tête dans leur direction pour les saluer.
Hadès ne leva la tête que lorsqu’ils furent assis. Il paraissait distrait.
— J’ai besoin que vous me racontiez tout ce qui s’est passé sur l’?le.
— Tout ? demanda Ariadne.
Hadès la regarda, puis se concentra sur Dionysos.
— Quand Thésée est arrivé, précisa-t-il. Même si vous semblez avoir vécu de sacrées aventures.
— Il n’y a rien à dire, dit Dionysos. Thésée nous a trouvés sur Thrinacie, il a tué l’Ophiotauros et il a pris ses intestins. Je présume qu’il les a déjà br?lés.
Thésée n’était pas du genre à hésiter. Il l’avait prouvé en ne perdant pas de temps pour poignarder la créature.
— Que se passera-t-il quand il les br?lera ? demanda Ariadne.
Dionysos et Hadès se regardèrent.
— On ne sait pas exactement, dit Hadès. C’est le problème, justement.
— Que dit la prophétie ? demanda Dionysos.
La dernière chose dont il se souvenait, c’était qu’Hadès allait vérifier si la créature s’était bien réincarnée avec une prophétie.
— Si une personne tue la créature et br?le ses entrailles, alors la victoire est assurée contre les dieux, déclara Hadès, comme s’il cherchait à déduire le sens des mots en même temps qu’il les pronon?ait.
— C’est une terrible prophétie, dit Dionysos.
— Je préférais la version d’Hermès, dit Ilias.
— Je ne sais pas trop à quoi vous vous attendiez, dit Hadès. Les prophéties sont rarement claires, et quand elles le sont, les enjeux sont bien plus grands.
Dionysos comprenait ce que disait Hadès – celle-ci avait le mérite d’être ambigu?. Parfois, les prophéties étaient tellement précises qu’il était impossible d’éviter le destin qu’elles annon?aient, peu importait comment les mortels tentaient de le déjouer.
— Davantage de contexte aurait été chouette, dit Ilias. ? quels dieux la prophétie fait-elle référence ?
— Peut-être à nous tous, dit Dionysos. Ou seulement à quelques-uns. Je crois que nous devrions être soulagés qu’elle ne soit pas précise. Savoir à quoi s’attendre entra?ne du pouvoir. On peut s’en servir contre Thésée, dit Dionysos en regardant Ariadne du coin de l’?il. Thésée est suffisamment arrogant pour croire que la prophétie signifie qu’il vaincra les dieux. ?a l’encourage à se sentir invincible alors qu’il ne l’est pas.
Hadès fron?a les sourcils.
— Comment ?a ?
— Sur l’?le, je l’ai poignardé avec mon thyrse. Il n’a pas guéri très vite, pas comme toi et moi. C’est une faiblesse.
— Tu veux dire que pendant tout ce temps, on aurait pu se contenter de le poignarder ? demanda Ilias.
— C’est plus compliqué que ?a, et tu les sais, répondit Hadès. Il a séduit le public. S’il meurt à cause de nous, on risque de perdre des fidèles.
— Ok, donc on ne peut pas l’assassiner publiquement, dit Ilias. Par où on commence ?
Tout le monde se tourna vers Ariadne, qui p?lit. Elle n’avait pas besoin qu’ils verbalisent leur demande, ils voulaient tout savoir sur Thésée.
— Non, dit-elle sèchement. Vous ne pouvez pas me demander ?a. Il tuera ma s?ur.
— Je t’ai dit qu’on la sauverait, dit Dionysos.
— Comment ? rétorqua-t-elle. Tu as dit que c’était pour ?a qu’on avait besoin de Méduse. Mais peut-être était-ce seulement pour agrandir ta collection d’armes ?
Dionysos grima?a, heurté par sa colère et son accusation.
— Crois-nous quand on te dit que sauver Phèdre sera notre priorité, dit Hadès. Mais on ne peut rien faire sans information.
Ariadne secoua la tête.
— Il saura que je vous ai parlé.
— En fin de compte, quelle importance, si Phèdre est en sécurité ?
— ?a compte, parce qu’elle retournera auprès de lui.
Il y eut un long silence pesant. Dionysos avait envie de répondre quelque chose de parfaitement inutile, qui était que dans ce cas, Phèdre n’avait peut-être pas besoin d’être sauvée. Ils mettaient Ariadne dans une position difficile, mais elle menait une bataille perdue d’avance.
— Alors, tu dis que tu ne vas pas nous aider ? demanda Dionysos.
— Vous n’êtes pas des dieux ? Vous ne pouvez pas vous débrouiller sans moi ?
Dionysos refusa de la regarder. Il ne pouvait faire semblant de comprendre son raisonnement, tout comme il ne pouvait prétendre comprendre le traumatisme qui l’empêchait de les aider.
Il prit une grande inspiration.
— Je vais dire aux Ménades de l’espionner, dit-il. Elles pourront rassembler des informations sur tous ceux qui sont impliqués, sur leurs armes et leurs caches.
Ils avaient besoin d’en savoir autant que possible pour pouvoir mettre sur pied un plan d’attaque.
Hadès hocha la tête.
— La bataille a déjà commencé, dit-il. Maintenant, nous devons nous préparer pour la guerre.
Chapitre XXXVI
Hadès
Hadès n’était pas surpris qu’Ariadne ne veuille pas les aider de fa?on concrète à contrer Thésée. Elle était restée longtemps sous son emprise et elle savait de quoi il était capable. ? l’évidence, elle l’avait vu mettre en pratique trop de ses menaces.
Il resta assis avec Ilias après qu’elle et Dionysos étaient partis.
— Ces deux-là ont baisé, dit le satyre.
— Il était temps, grommela Hadès en vidant son whiskey. Est-ce qu’Hermès t’a donné des nouvelles de l’entrep?t et du club ?
— Oui. Ils sont tous deux partis en fumée hier soir.
C’était bon à savoir, car Hadès s’attendait à ce que Thésée se venge.