— Comment ?a, on a un événement ? demanda Perséphone.
Hadès se posait la même question.
— C’est le premier jour des Jeux Panhelléniques, dit Apollon.
Hadès avait complètement oublié. Cela dit, pour être honnête, il avait été très occupé, et pas uniquement par des choses agréables.
— Ce n’est pas avant ce soir, rétorqua Perséphone.
— Et alors ? J’ai besoin de toi maintenant.
— Pourquoi ? demanda la déesse.
Hadès observa l’échange, regardant tour à tour les deux dieux. Il avait l’impression d’assister à une dispute entre frère et s?ur.
— Qu’est-ce que ?a peut bien faire ? demanda Apollon. On a un…
— ?a suffit, gronda Hadès. Elle t’a posé une question, Apollon. Réponds !
Apollon eut un rictus agacé et il croisa les bras, comme s’il boudait.
— J’ai merdé. J’ai besoin de ton aide, avoua-t-il en fusillant Hadès du regard, comme pour lui demander s’il était content.
La réponse était non.
— Tu as besoin de son aide et tu veux l’obtenir en lui donnant des ordres ? demanda le dieu des Enfers.
— Hadès… commen?a Perséphone, mais sa défense ne l’intéressait pas.
— Il exige ton attention, Perséphone. Il n’a ton amitié que gr?ce au contrat que tu as avec lui, et quand tu avais besoin de lui devant les Olympiens, il est resté silencieux.
C’était sans doute ce dernier point qui l’aga?ait le plus. La seule personne qui les avait défendus était Hermès, même après avoir subi les conséquences de son serment brisé. Où avait été Apollon ?
— ?a suffit, Hadès, dit Perséphone. Apollon est mon ami, contrat ou pas. Je lui parlerai moi-même de ce qui m’agace.
Il la dévisagea longuement, regrettant qu’elle ne le fasse pas maintenant, car il aurait adoré la voir réprimander Apollon.
Il ravala sa frustration et l’embrassa en plongeant sa langue dans sa bouche. Il tint son visage dans ses mains et quand il recula, ses joues étaient superbement rouges.
Elle déglutit et soutint son regard, et Hadès espéra qu’elle passerait le reste de la journée à penser à ce baiser et à ce qu’ils n’avaient pas pu finir à cause d’Apollon.
— Je te rejoins aux Jeux plus tard, dit-il avant de se téléporter.
Chapitre XXXV
Dionysos
Dionysos était installé selon ses habitudes dans sa suite peu éclairée de Bakkheia. Elle était pleine de gens qui buvaient, dansaient et baisaient. En général, le dieu du Vin regardait les festivités ou était au moins plus présent, car c’était ainsi qu’il accueillait les actes de vénération, mais aujourd’hui, il avait la tête ailleurs.
Il ne cessait de repenser à ce qui s’était passé au cours des derniers jours : sa confrontation avec Poséidon et tout ce qui avait suivi sur l’?le, depuis ses ébats avec Ariadne jusqu’à la mort de l’Ophiotauros. Il n’oubliait pas non plus qu’il avait failli à sa promesse de tuer le cyclope, même s’il l’avait laissé avec une méchante gueule de bois.
Il se demandait quelles conséquences découleraient de ne pas avoir payé sa dette.
— Est-ce que tu vas me dire ce qui s’est passé sur cette ?le ? demanda Silène.
— Il n’y a rien à raconter, répondit Dionysos.
En tout cas, rien qu’il ait envie de raconter.
— ?a t’a changé, dit son père adoptif. Tu es différent, mais je ne sais pas de quelle manière.
— Je ne le sais pas non plus, avoua Dionysos.
Il n’avait jamais eu envie de confronter Poséidon, et le faire l’avait laissé avec le sentiment de ne pas pouvoir protéger Ariadne. Il était forcé de voir combien ses pouvoirs étaient inférieurs.
— Dionysos, dit une voix sensuelle.
Il leva les yeux vers une femme aux cheveux et aux yeux bruns qui s’agenouillait devant lui, les mains sur ses genoux.
— Tu as l’air tendu. Est-ce que je ne peux pas t’aider à te relaxer ?
En temps normal, il en aurait profité, mais quand elle remonta ses mains sur ses cuisses, il l’arrêta et se pencha en avant. C’est à ce moment-là que la porte de sa suite s’ouvrit sur Ariadne, qui riva ses yeux sur lui et la femme à ses pieds.
Sa gorge se noua, il savait de quoi ?a avait l’air.
— Ari… commen?a-t-il alors qu’elle approchait.
— Ne te lève pas, répondit-elle. (Dionysos se demanda à qui elle s’adressait.) Il faut que je te parle.
— Bien s?r, dit-il en regardant l’autre femme. Va-t’en.
Il regarda Ariadne, dont le regard était froid.
— Ce n’est pas ce que tu penses, dit-il.
— Parce que tu sais ce que je pense, maintenant ? rétorqua-t-elle.
Dionysos s’apprêtait à répondre, mais Silène l’interrompit.
— Tu dois être Ariadne, dit-il en se penchant par-dessus l’accoudoir de Dionysos pour lui tendre la main. Je suis Silène, le père de Dionysos.
— Adoptif, précisa le dieu du Vin.
Ariadne serra sa main, même si elle semblait mal à l’aise.
— Je comprends mieux pourquoi mon fils a le béguin pour toi, dit Silène.
Dionysos le repoussa dans son propre fauteuil.
— Tais-toi, siffla-t-il avant de se concentrer sur Ariadne.
— Je veux retourner sur l’?le, dit-elle.
— Quoi ?
Il s’attendait à tout sauf à ?a.
— Je veux enterrer Bully.
— Ari, c’est dangereux.
— On ne peut pas le laisser pourrir comme ?a, dit-elle. Il mérite mieux que ?a.
— Tu oublies qu’il est dans une grotte avec un fichu monstre ?
— Un monstre que tu étais censé tuer, remarqua-t-elle.
Dionysos secoua la tête.
— Je refuse de discuter de ?a. On ne va pas retourner sur cette ?le juste pour que tu puisses assouvir ton étrange sentiment d’obligation envers cette créature.
— Si tu ne m’y emmènes pas, je demanderai à Hadès de le faire.
Dionysos contracta sa m?choire.
— Dehors ! ordonna-t-il.
Soudain, toutes les personnes présentes dans sa suite cessèrent de boire, de danser et de baiser et elles sortirent, comme envo?tées, toutes sauf Silène.
— Et moi ? demanda ce dernier.
Dionysos le fusilla du regard et son père soupira.
— D’accord…
Une fois seuls, Dionysos se leva, mais Ariadne resta bien droite, et c’était tout à son honneur.
— Tu crois vraiment qu’Hadès va se plier à ta volonté puérile ?
— Ce n’est pas enfantin de vouloir enterrer quelqu’un comme il se doit, dit-elle.
— ?a l’est quand ?a implique de retourner sur une ?le où on a failli mourir tous les deux, dit-il. Pourquoi tu veux y retourner ? Tu espères voir Thésée ?
Elle le gifla et sa joue s’enflamma aussit?t.
— Comment oses-tu ? siffla-t-elle d’une voix tremblante.
Ils se défièrent du regard dans un silence pesant, puis Dionysos craqua et s’empara de sa bouche dans un baiser fiévreux. Il empoigna sa nuque d’une main et posa l’autre sur le creux de ses reins.
Dieux, c’était tellement bon.