La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Il ne l’avait pas connue assez longtemps pour la perdre à jamais.

L’idée le motiva pour continuer d’avancer, et quand il sentit le sol sous ses pieds, il y planta les orteils et essaya de courir. Il atteignit la plage en titubant et il tomba à genoux, le visage dans le sable, puis il perdit conscience.

*

* *

Un cri étranglé le réveilla.

Il roula sur le dos, invoquant son thyrse, mais il se retrouva nez à nez avec un mouton.

— Tu viens d’où, toi ? aboya-t-il.

Le mouton bêla bruyamment et Dionysos grima?a.

Il avait mal à la tête et le soleil aggravait sa migraine. Il plissa les yeux et regarda autour de lui. L’?le du cyclope était vaste et boisée, parsemée de hautes montagnes.

Si le cyclope s’y trouvait, Dionysos n’avait aucun moyen de le savoir.

— Bèèèè !

Le cri du mouton le fit sursauter.

— Dieux, tu veux bien arrêter de faire ?a ?!

Il fusilla le mouton du regard, mais celui-ci continuait de lui bêler dessus.

— Qu’est-ce que tu veux ? aboya Dionysos en se levant.

L’animal recula, puis commen?a à se tourner en bêlant.

— Je ne vais pas te suivre, dit Dionysos.

Le mouton parut lui lancer un regard assassin, ce qui mit le dieu mal à l’aise. Il lui rappelait le regard frustré d’Ariadne.

Merde. A-t-elle été changée en mouton ?

Et si ce mouton était Ariadne ?

Bon sang, tu n’es qu’un imbécile, se dit-il.

Pourtant, il se surprit à avancer vers le mouton, qui bêla à nouveau avant de se diriger vers la forêt.

Dionysos le suivit, se sentant ridicule, mais en espérant néanmoins que la bête le mènerait à d’autres et, enfin, au cyclope.

La végétation était dense et variée et le sol était couvert de lianes dans lesquelles il se prenait les pieds. Après avoir trébuché une fois, il perdit patience et utilisa sa magie pour se dégager un chemin derrière le mouton. Ils arrivèrent bient?t à une rivière tranquille, que l’animal longea pour remonter vers la partie montagneuse de l’?le.

Au bout d’un moment, le mouton se retourna vers lui.

— Bèèè ! hurla-t-il.

Dieux, il détestait ce bruit. L’animal levait la tête vers une grotte où d’autres bêtes étaient rassemblées.

Son c?ur se mit à battre la chamade. Ce devait être le repaire du cyclope.

Dionysos traversa la rivière et escalada la pente jusqu’à la caverne où les animaux étaient parqués. Le sol était couvert d’os et son estomac se souleva. Il se retint d’appeler Ariadne, ne sachant pas ce qu’il trouverait dans la grotte. Elle paraissait plut?t bien éclairée, car une partie du plafond s’était affaissée, permettant aux rayons du soleil d’y pénétrer. L’entrée donnait sur une pente douce au pied de laquelle se trouvait un lac vert.

Les moutons y étaient rassemblés et leurs bêlements résonnaient dans la caverne, faisant grimacer Dionysos, même s’il espérait que cela suffirait à étouffer le bruit de ses pas alors qu’il pénétrait dans les parties plus sombres du gouffre, à la recherche d’une trace d’Ariadne.

Soudain, il vit une main blanche dans la pénombre.

— Ari ! s’écria-t-il, ne pouvant s’en empêcher.

Il courut vers elle et il était à deux doigts de toucher sa main quand elle disparut.

Dionysos écarquilla les yeux et leva la tête sur deux pupilles cerclées de rouge.

— C’est quoi ce bordel ? dit-il en invoquant son thyrse.

L’arme parut énerver la créature tapie dans l’ombre, car ses yeux scintillèrent et elle poussa un cri en fon?ant sur lui.

Dionysos était nez à nez avec l’Ophiotauros. Son dos était vo?té, sa tête vers l’avant, et ses sabots frappaient le sol.

Il prit de l’élan et fon?a à nouveau, s’avan?ant un peu plus dans la lumière. Dionysos vit alors le reste de son corps, qui passait de celui d’un taureau à celui d’un serpent, dont la queue était enroulée de manière protectrice autour d’Ariadne, qui était inconsciente.

— Ari, répéta Dionysos en avan?ant vers elle, mais l’Ophiotauros rugit et il se figea. Tout doux, dit le dieu en levant les mains. Je suis venu la sauver.

La créature le dévisagea, immobile.

— Tu la protégeais ?

La bête souffla plusieurs fois et Dionysos en profita pour avancer avec précaution.

Il ne quitta pas la créature des yeux jusqu’à ce qu’il puisse s’agenouiller à c?té d’Ariadne. Il voulait la prendre dans ses bras et s’assurer qu’elle allait bien, mais il savait que s’il s’en allait trop vite, la bête réagirait.

Au lieu de ?a, il caressa son visage et marmonna son prénom, et elle ouvrit les yeux.

Elle parut d’abord confuse, puis elle le reconnut et eut l’air profondément soulagée. Elle lui sourit. Cet instant ne dura pas, car l’Ophiotauros émit un meuglement sourd quand une ombre passa sur eux.

Quelque chose n’allait pas.

Dionysos se figea, puis se tourna juste à temps pour voir la main du cyclope foncer sur lui.

— ?tranger, dit-il d’une voix tonitruante qui irrita les oreilles de Dionysos.

La main du cyclope se referma sur lui, lui coupant le souffle. Il le porta devant son ?il plissé.

— Tu es venu voler mes moutons ?

— Non, dit Dionysos en se débattant.

Ses mains étaient coincées le long de son corps, de sorte qu’il ne pouvait invoquer son thyrse. Même s’il l’avait pu, il n’avait pas la place de s’en servir.

— Je ne suis pas venu pour tes moutons, dit-il.

— Alors tu es venu me tuer, gronda le cyclope d’un ton furieux.

— Ce sont tes seuls visiteurs ? demanda Dionysos. Ceux qui veulent voler tes moutons et ceux qui veulent te tuer ?

— Visiteurs ? demanda le cyclope. Je ne connais pas ce mot. Je connais voleur. Je connais assassin.

— Alors permets-moi de t’en apprendre un autre, dit Dionysos.

— Je connais aussi farce, dit le cyclope. C’en est une ?

— Non. Mais si ?a peut te faire plaisir, je peux t’offrir quelque chose pour te montrer ma bonne foi.

— Quel genre d’offrande, étranger ?

— Mon tout meilleur vin.

— Je ne connais pas vin, dit le cyclope.

— Eh bien, ?a change aujourd’hui, dit le dieu. Pose-moi et je partagerai ma boisson avec toi.

— Pas de farce ? demande le cyclope, sur ses gardes, mais curieux.

— Aucune, promit Dionysos.

Le cyclope le dévisagea quelques instants – assez longtemps pour que Dionysos se dise qu’il allait peut-être choisir de le broyer –, mais il finit par le reposer.

Dionysos en profita pour regarder Ariadne et l’Ophiotauros, mais il ne pouvait pas les voir, car ils étaient tapis dans l’ombre de la grotte.

Il avan?a avec précaution vers le lac.

— Est-ce que tu bois cette eau ?

— Je bois, je nettoie, je lave.

Dionysos s’effor?a de ne pas avoir l’air dégo?té en invoquant sa magie et en changeant l’eau en vin rouge.

Il se tourna vers le cyclope.

— Bois, mon ami.

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