La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Cela ne fit qu’aggraver son angoisse et il ressentit un frisson familier de peur qui le gla?a jusqu’aux os. Il contracta sa m?choire et serra les poings, refusant de laisser la folie prendre le dessus. Si c’était le cas, il ne servirait plus à rien, et le cyclope ne serait pas le seul à mourir dans sa quête pour sauver Ariadne.

Il prit de grandes inspirations jusqu’à ce que le sentiment disparaisse, mais le fait qu’il soit remonté si vite à la surface l’inquiétait. Heureusement, pour l’instant, il gardait le contr?le.

Il dévala la montagne, revenant sur ses pas jusqu’à la maisonnette où il avait guéri Ariadne, puis jusqu’au rivage, où il avait rencontré le vieil homme.

— Hello ! cria-t-il. J’ai besoin de vous, vieil homme ! Le cyclope l’a emportée !

Il fit les cent pas sur la plage et aper?ut quelque chose du coin de l’?il. Il sursauta et découvrit le dieu étrange, debout sur les rochers, comme la dernière fois.

— Putain, mais d’où vous venez ? demanda Dionysos.

— Je vous ai sauvé la vie une fois, répondit le vieillard. Qu’attendez-vous de plus ?

— Le cyclope a pris ma…

Dionysos hésitant, ne sachant ce qu’il s’apprêtait à dire.

— Le cyclope a pris Ariadne, et je ne sais pas où il l’a emmenée. J’ai escaladé cette fichue montagne, j’ai observé toute cette putain d’?le. Où l’a-t-il emmenée ?

— ? son repaire, je présume.

Dionysos fit un pas en avant, les mains tremblantes.

— Où ? insista-t-il en serrant les dents.

— De l’autre c?té du détroit, répondit l’homme.

Dionysos se tourna dans la direction où le vieillard avait hoché la tête et, au loin, séparé par l’océan, il vit quelque chose qui ressemblait à un archipel, mais les ?les étaient à peine visibles à l’horizon.

Dionysos fit volte-face vers le vieil homme.

— Et vous n’avez pas pensé que cette information avait de la valeur quand vous m’avez demandé de le tuer ?

— Rien n’a autant de valeur que votre vie, répondit l’homme.

Dionysos avan?a à nouveau vers lui.

— Et je suis à deux doigts de prendre la v?tre !

Il tourna les talons et marcha vers la mer.

— Je ne ferais pas ?a, si j’étais vous, prévint le vieillard.

— Et par quel autre moyen je suis censé atteindre cette putain d’?le ?

— Il vaudrait mieux que vous attendiez le retour du cyclope.

— Vous avez oublié qu’il l’a prise ?

Le vieil homme le dévisagea avant de se concentrer à nouveau sur l’autre ?le.

— Il n’y a que deux fa?ons de l’atteindre : par les rochers, où la mer est violente, ou par le détroit, où vivent Charybde et Scylla. Choisissez l’un des deux passages, et vous mourrez s?rement.

Dionysos connaissait bien les deux monstres marins dont parlait le vieil homme. Charybde était un tourbillon mortel capable de détruire des navires en une seconde. Scylla était un monstre à six têtes dotées de trois rangées de dents acérées. Les créatures vivaient en face l’une de l’autre de sorte que quiconque passait dans leur territoire et essayait d’en éviter une tombait dans les griffes de l’autre.

— Merci pour le vote de confiance, marmonna Dionysos en avan?ant dans les vagues.

Il essaya, en vain, de courir à contre-courant jusqu’à ce qu’il puisse nager. Il avan?a d’abord plut?t bien, mais l’eau lui paraissait lourde et ses bras devinrent br?lants. Il eut de plus en plus de mal à maintenir la tête hors de l’eau, et son nez et le fond de sa gorge s’irritèrent sous l’effet du sel. Plus ses bras et ses jambes fatiguaient, moins il était s?r d’avancer, mais il fallait qu’il y arrive pour Ariadne.

Il cria, frustré, puis il se mit sur le dos et flotta à la surface de l’eau. Le soleil lui br?lait la peau, mais il resta dans cette position jusqu’à pouvoir bouger à nouveau.

En approchant du détroit, il sentit le courant changer et sut que Charybde était réveillée, elle agitait la mer de toutes ses forces. Il dessina un arc de cercle plus grand, conscient que cela le rapprocherait de Scylla, mais s’il devait affronter l’un des deux monstres, il préférait celui qu’il pouvait poignarder plut?t que celui qui le noierait.

Quand il pénétra dans le détroit, il resta près du pied de la falaise, s’accrochant aux rochers pour éviter d’être emporté dans le tourbillon de Charybde, qu’il pouvait voir à la surface, comme un vortex de mousse et de sable.

Concentré pour lutter contre le courant, il leva la tête au moment où un caillou heurta son visage, et il se retrouva nez à nez avec six têtes qui se précipitaient sur lui.

— Putain !

Il bougea à la dernière seconde, évitant de peu les dents de l’une des têtes. Celles-ci plongèrent dans l’océan et quand elles reprirent de l’élan, cinq d’entre elles poussèrent un cri aigu, car la sixième tenait un dauphin entre ses crocs. Jalouses, les deux têtes voisines sifflèrent et leurs m?choires claquèrent. Bient?t, trois des têtes se battaient entre elles et des morceaux de chair de dauphin tombaient sur Dionysos. Les regards des trois autres étaient rivés sur lui.

Dionysos invoqua son thyrse alors qu’elles fon?aient sur lui. Cette fois, il transper?a l’une des têtes avec la pointe de son sceptre au moment où elle était sur le point de le croquer. Elle recula brusquement en hurlant, puis elle tomba dans l’eau et ne bougea plus. Les cinq autres crièrent et se jetèrent sur lui.

— Merde !

Dionysos sauta sur la nuque de celle qui était immobile et courut dessus, pourchassé par les autres et leurs dents aff?tées. Il vira à la dernière minute et sauta sur une autre tête glissante avant de bondir sur une troisième quand la précédente fut heurtée par sa s?ur.

Cette chose est stupide, constata Dionysos en plantant son thyrse et en se baissant quand deux autres têtes se précipitèrent sur lui et se percutèrent. L’impact le secoua et il tomba dans l’eau, immédiatement happé par le courant de Charybde. Il eut beau lutter, il s’enfon?a sous la surface. L’eau remplit son nez et sa bouche et il chercha désespérément quelque chose à quoi s’accrocher, mais il n’y avait rien en dehors du poids de l’eau qui l’écrasait. Mais le tourbillon de Charybde le rapprocha de l’autre c?té du détroit, si près, même, qu’il s’écorcha sur les rochers en les heurtant.

Il n’eut pas le temps de planter ses ongles dans le caillou, car il était reparti pour un tour. L’eau se démenait pour l’engloutir, mais il parvint à placer ses bras de sorte qu’en s’approchant à nouveau de la falaise, il y planta son thyrse. Il s’y accrocha, l’eau s’agitait toujours violemment. En face de lui, les têtes survivantes de Scylla hurlaient, mais tant que Charybde tourbillonnait, il était en sécurité.

Scylla battit en retraite jusqu’à sa grotte, tra?nant ses deux têtes inertes derrière elle.

Dionysos n’avait aucune idée du temps qu’il resta accroché à son thyrse, mais il finit par sentir le courant ralentir, et Charybde cessa bient?t son attaque. Il se sentait faible et nager jusqu’au rivage lui paraissait impossible, mais il n’avait pas le choix. Quand enfin il approcha de l’?le du cyclope, un immense soulagement l’envahit.

Il se précipita, ne pensant qu’à Ariadne – à son go?t lorsqu’il l’avait embrassée, à la sensation de son corps.

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