— Bien, dit-il.
Elle le regarda dans les yeux et lui sourit, mais ce ne fut que de courte durée, car elle se retrouva à genoux. Sa tête tomba en arrière et elle se mit à convulser pendant qu’Hadès la nourrissait d’illusions qu’il avait fa?onnées en s’inspirant de ses plus grandes peurs.
C’était une véritable torture.
Il le savait, mais c’était une arme de guerre, et il n’était pas le seul à en être doté. Elle devait apprendre à percevoir la différence, mais il sut en voyant ses peurs se matérialiser qu’elle avait déjà perdu, elle pensait que c’était vrai.
Peut-être qu’il n’aurait pas d? commencer avec Déméter, dont l’expression dure et froide inspirait la peur même chez Hadès.
— Mère… sanglota Perséphone.
— Coré, dit Déméter, pronon?ant comme une malédiction ce prénom que Perséphone détestait tant.
Elle essaya de se lever, mais Déméter la maintenait au sol.
— Je savais que ce jour viendrait. Tu seras mienne. Pour toujours.
— Mais les Moires…
— Ont changé ton destin, déclara la déesse de la Moisson.
L’estomac d’Hadès se noua, c’était l’une de ses plus grandes peurs, à lui aussi.
Déméter se téléporta avec Perséphone, ce qui ne fit que rendre l’illusion plus réelle encore, car l’odeur de sa magie envahit les sens de Perséphone. Hadès l’observa quand elle se retrouva dans l’orangerie, sa première prison.
Elle se débattit à l’intérieur, frappant les murs de verre en hurlant, déversant toute sa haine sur sa mère, qui se contentait de la regarder d’un air moqueur.
Elle redevint silencieuse quand tout devint noir et qu’elle fut forcée de voir les vies de ses amies défiler durant son absence. La pire des visions fut quand elle vit Leucé reprendre sa place d’amante. La mine horrifiée de Perséphone était insupportable à voir. Elle serra les poings et sa poitrine se souleva, ses yeux se remplirent de larmes, et elle hurla.
Elle hurla si fort qu’elle en tremblait.
— Perséphone, dit-il, mais sa réalité avait déjà changé et quand Hadès la découvrit, un go?t métallique remplit sa gorge.
Ils se trouvaient sur un champ de bataille et il était allongé aux pieds de Perséphone, déchiré par sa magie.
Cela lui rappela la vision de Katerina, une vision qui deviendrait vraie si l’Ophiotauros était tué.
— Hadès, dit-elle d’une voix tremblante.
Elle tomba à genoux à ses c?tés, comme si elle avait été frappée.
— Je croyais… je ne croyais plus jamais te revoir, chuchota Hadès en levant sa main tremblante vers son visage.
Elle pressa sa paume contre sa joue.
— Je suis là, murmura-t-elle en fermant les yeux pour savourer sa caresse, jusqu’à ce que sa main retombe.
— Hadès !
— Hmmm ?
— Reste avec moi, supplia-t-elle en pleurant et en prenant son visage dans ses mains.
— Je ne peux pas, dit-il.
— Comment ?a ? Tu peux te guérir. Guéris-toi !
— Perséphone, chuchota-t-il. C’est fini.
— Non, répondit-elle en secouant la tête.
— Perséphone, regarde-moi, dit-il, tu étais mon seul amour, mon c?ur et mon ?me. Mon monde a commencé et fini avec toi, mon soleil, mes étoiles, mon ciel. Je ne t’oublierai jamais, mais je te pardonne.
— Tu me pardonnes ?
C’est alors qu’elle comprit ce qu’Hadès savait déjà, qu’elle s’était battue contre lui et qu’elle avait détruit les Enfers. Elle l’avait détruit, lui.
?tait-ce pour cette raison qu’elle refusait d’exploiter sa magie ? Parce qu’elle en craignait le potentiel ? Elle craignait cette réalité ?
Hadès se devait d’être honnête, il le craignait aussi, et cela ne fit qu’empirer quand Perséphone tenta de défaire sa magie en suppliant Hadès de rester.
— Non, s’il te pla?t, Hadès. Je ne voulais pas…
— Je sais, dit-il lentement. Je t’aime.
— Ne fais pas ?a, supplia-t-elle. Tu avais dit que tu ne me quitterais jamais. Tu avais promis.
Les cris de Perséphone lui transpercèrent les tympans alors que ses visions prenaient fin et que tout devenait noir. Son corps se raidit, et elle tomba au sol.
Hadès courut pour la rattraper et il la tint contre lui. Elle reprit bient?t connaissance et cligna des yeux. Ils se remplirent de larmes.
— Tu t’en es bien sortie, dit-il.
Elle couvrit sa bouche, puis ses yeux, et fondit en larmes, tremblant dans ses bras.
— Tout va bien, dit-il. Je suis là.
Mais Perséphone sanglotait de plus belle. Il détesta ne pas pouvoir la calmer, et il s’en voulut encore plus quand elle recula pour prendre ses distances.
— Perséphone…
— C’était cruel, dit-elle. Quoi que tu aies fait, c’était cruel.
— C’était nécessaire, dit Hadès. Tu dois apprendre…
— Tu aurais pu me prévenir. Est-ce que tu sais ce que j’ai vu ?
Elle se comportait comme si cela avait été facile à voir pour Hadès.
— Et si les r?les avaient été inversés ?
— Mais ils ont été inversés, rétorqua-t-il.
Et cela avait été la réalité, pour lui.
Elle p?lit soudain et eut l’air horrifiée.
— Alors tu as voulu me punir, c’est ?a ?
— Perséphone…
?a n’était pas son intention. Putain. Il tendit la main, mais elle fit un pas en arrière.
— Non ! gronda-t-elle en levant les mains. J’ai besoin de temps. Seule.
— Je ne veux pas que tu partes, dit-il.
— Je ne crois pas que tu aies le choix, répondit-elle.
Elle prit une grande inspiration tremblante, comme si elle rassemblait son courage pour partir, et quand elle eut disparu, Hadès poussa un grognement guttural.
Chapitre XXXIII
Dionysos
Dionysos se retrouva à gravir la montagne encore une fois, et s’il était plus rapide sans Ariadne, il aurait largement préféré qu’elle le ralentisse.
Nom de dieux, putain.
Il était en colère, mais il était surtout inquiet.
Dionysos ne savait pas grand-chose sur les cyclopes en dehors du r?le qu’ils avaient joué dans les temps anciens. Ils avaient été de grands artisans et avaient aidé les Olympiens à combattre les Titans. S’il savait que certains continuaient de travailler pour eux, ils ne semblaient pas avoir tous évolué de la même fa?on, comme le prouvait celui-ci qui arpentait cette ?le en quête de moutons. Et s’il mangeait des moutons, il mangeait sans doute des humains.
Quand Dionysos arriva au sommet, il observa l’?le, qui était bien plus grande qu’il ne le pensait, dotée de profonds canyons et de collines arrondies. Le cyclope avait beau être énorme, Dionysos n’en vit pas la trace et n’entendit rien qui indiquait sa présence. C’était comme s’il avait disparu.