— Tu te bats pour une femme qui ne t’appartient même pas alors que la tienne souffre aux mains de mes fils.
La voix tonitruante de Poséidon résonna dans toute la cabine, malgré la tempête. Dionysos ne savait pas de quoi il parlait, mais il avait clairement atteint Hadès, car sa respiration était rapide et il tremblait de tout son corps.
C’est alors qu’il disparut.
Dionysos ne comprenait pas ce qui s’était passé, mais il était désormais seul face à Poséidon. Il se leva et invoqua son thyrse, un sceptre surmonté d’une grenade, même s’il savait qu’il affrontait un dieu dans son propre royaume, l’un des trois, qui plus est, et qu’il ne faisait pas le poids.
Néanmoins, il se rua sur le dieu de la Mer et fut propulsé en arrière, atterrissant contre le mur. Il faillit tomber par-dessus bord, mais il parvint à s’accrocher à la rambarde.
La pluie martelait son visage et le yacht tanguait sous lui, mais il réussit à ramper jusqu’à la cabine. Quand il l’atteignit, il trouva Ariadne dans les griffes de Poséidon. Il l’avait penchée sur la table, les jambes écartées, son bassin contre ses fesses.
— Je ne t’aurais pas obligé à regarder, dit-il. Je me serais satisfait de savoir que tu serais torturé de savoir que j’avais enfoncé ma queue en elle, mais il a fallu que tu amènes Hadès dans mon royaume, et rien que pour ?a, tu dois être puni.
Dionysos bouillait de rage et il plongea les yeux dans ceux d’Ariadne, qui étaient remplis de larmes. Il n’avait aucun pouvoir ici, sauf un, et la seule chose qu’il put lui dire avant de la frapper avec sa magie fut : ? Pardonne-moi. ?
Il sut que sa folie l’avait atteinte, car son regard changea. Ses yeux devinrent bestiaux et sauvages et elle poussa un cri terrifiant tout en trouvant la force de se redresser et de percuter le visage de Poséidon avec l’arrière de sa tête. Un craquement retentit et le dieu de la Mer la l?cha en titubant en arrière. Ariadne se jeta sur lui et se mit à le griffer, plantant ses ongles dans sa peau comme si ce n’était que de l’argile, et elle lui arracha plusieurs morceaux de chair sur chaque bras avant qu’il parvienne à l’arrêter.
C’était horrible. C’était la nature de la magie de Dionysos.
En dépit de sa folie, Ariadne était consciente de ce qu’elle faisait, même si elle n’avait aucun contr?le sur ses actions. Jamais elle ne lui pardonnerait pour ?a, et il ne pouvait pas lui en vouloir, mais il n’avait pas d’autre choix.
Poséidon poussa un cri atroce et Dionysos se jeta en avant pour serrer Ariadne contre lui, elle tenait encore des bouts de chair entre ses mains. Elle grogna de fa?on surnaturelle et se débattit quand il la tira en arrière, toujours possédée par sa magie. S’il la l?chait, elle essaierait de démembrer le dieu de la Mer, et si Dionysos n’avait rien contre ?a, ce n’était qu’une question de temps avant que Poséidon ne reprenne le dessus.
Dionysos avait profité de la surprise du dieu, mais ils restaient dans son royaume.
Le dieu de la Mer était furieux et son regard brilla de malice. Il étudia ses bras ensanglantés et déchiquetés en respirant fort, la m?choire contractée. Le yacht tangua de plus belle.
Dionysos faisait de son mieux pour retenir Ariadne. Elle était encore sous son sort et elle était assoiffée du sang de Poséidon, car c’était le premier qu’elle go?tait, et elle n’abandonnerait pas tant que l’un des deux ne serait pas mort.
— Si elle survit à la mer, je la pourchasserai et la déchiquèterai sous tes yeux, dit Poséidon alors que la chair de ses bras se régénérait.
Il était désormais entier, mais couvert de sang.
— Et je te forcerai à manger chaque membre, chaque bout de peau, chaque organe chaud, et à chaque bouchée, tu sauras qu’il aurait été plus facile de me laisser la prendre devant toi.
Dionysos entendit alors un craquement terrible et tout le vaisseau plongea dans la mer. L’eau s’y engouffra avec tant de force que la seule chose dont il eut conscience, ce fut de ne pas pouvoir respirer, puis tout devint sombre.
Chapitre XXVII
Dionysos
Dionysos avait mal au cr?ne.
Il ferma les yeux plus fort pour se protéger de la douleur qui irradiait dans ses tempes et raidissait tout son corps. Sa bouche était sèche, sa langue enflée, et un vrombissement assourdissant résonnait dans ses oreilles. Il ne souhaitait pas se réveiller complètement, mais plus il restait allongé, plus il revenait à lui, et plus il se souvenait de ce qui l’avait mis dans cet état.
Poséidon.
Ariadne.
Il réalisa que le vrombissement venait des vagues et il se for?a à ouvrir les yeux pour découvrir le ciel bleu et le soleil qui lui br?lait la peau.
Il tourna la tête et vit flou pendant quelques secondes avant de pouvoir se concentrer sur Ariadne, allongée un peu plus loin, à moitié dans l’eau, immobile.
— Non, grogna-t-il en se levant aussi vite que possible, glissant sur le sable en courant vers elle. Putain !
Il tomba à genoux à ses c?tés, dans l’eau teintée de rouge qui l’entourait.
— Ari !
Il la fit rouler dans ses bras et prit son visage dans sa main, dégageant le sable de sa joue. Elle était trop p?le, même ses lèvres étaient blanches. Il chercha son pouls en pressant deux doigts dans le creux de son cou et sentit de lentes et faibles pulsations.
Il posa une main sur son torse et ferma les yeux, appelant l’eau à sortir de ses poumons et, au bout de quelques secondes, elle coula de sa bouche. Mais il n’y eut pas d’autre mouvement ; aucun signe de conscience.
— Putain, gronda-t-il à nouveau en remarquant une grande entaille sur sa cuisse.
S’il pouvait la guérir, il ne savait pas depuis quand elle saignait ni quelle infection avait pu s’y installer pendant qu’elle gisait sur la plage.
Il l’attira contre lui et leva la tête. Il vit un vieil homme qui les observait du haut d’une colline de rochers blancs. Il avait de longs cheveux blancs et une barbe assortie, et sa peau était bronzée, presque noire, comme s’il avait passé toute sa vie au soleil. Il n’était vêtu que d’un pagne blanc noué sur les hanches, qui semblait aussi léger que la mousse des vagues.
Il était divin, Dionysos en était certain, mais il ne savait pas de qui il s’agissait. Il y avait de nombreux dieux de la mer.
— S’il vous pla?t, appela Dionysos. Aidez-nous, je vous en supplie.
Le vieil homme le regardait, mais il tourna les talons et disparut.
— Non ! S’il vous pla?t !
Dionysos prit Ariadne dans ses bras et gravit la colline rocailleuse, plissant les yeux pour se protéger de la clarté des rochers qui reflétaient le soleil. De temps en temps, il était tellement aveuglé qu’il glissait, frappant la roche avec ses genoux. Il restait au sol quelques secondes, les yeux sur Ariadne, sur ses longs cils tombant en éventail sur ses joues rosies par le soleil. Elle avait beau être sublime, il désespérait de voir à nouveau son regard.