? quoi ?a sert d’être le dieu des Morts si tu ne peux rien faire ? lui avait-elle demandé un jour quand Lexa était sur le point de mourir. Aujourd’hui, il se posait cette même question. ? quoi servaient ses pouvoirs s’il ne pouvait même pas protéger Perséphone ?
— Hadès…
— Je ne veux pas en parler, dit-il en reculant. Tu as besoin de repos.
Il mettait rarement de distance entre eux, mais là, il en avait besoin. Il n’aima pas voir que cela choquait Perséphone. Elle l’étudia un instant, comme si elle s’attendait à ce qu’il la rappelle à lui, mais Hadès tourna les talons et se servit un verre. Elle s’éloigna aussi pour aller se doucher.
Elle devait croire qu’il la rejetait, mais si elle savait ce qu’il pensait, elle n’aurait pas envie de lui non plus.
Car il pensait qu’il ne la laisserait jamais quitter les Enfers. Il avait déjà menacé de le faire par le passé, mais ces dernières agressions étaient trop proches et Perséphone avait déjà été prise pour cible. Ilias cherchait encore la femme qui lui avait renversé le café dessus.
Cela le rendait furieux de savoir que son royaume ne lui suffisait pas. Il ne pourrait jamais reproduire le soleil chaud ni le ciel bleu du royaume des mortels, et Perséphone ne se contenterait jamais de régner seulement sur les morts.
Elle s’épanouissait gr?ce à un objectif : changer le monde.
Elle avait déjà changé son monde, et s’il se sentait parfois meilleur gr?ce à elle, il lui arrivait également de se sentir plus violent que jamais, capable de choses plus terribles encore.
Il n’aurait pas d? vouloir la retenir en otage, mais il était en colère. Aphrodite l’avait fait entrer dans ce monde et l’exposait à tout ce contre quoi il avait tant essayé de la protéger, et bien s?r, elle était ravie d’aider. Perséphone se sentait responsable de tout le monde.
C’était une qualité qu’il admirait, normalement, mais pas dans ce cas, car les victimes étaient des dieux.
— Tu viens te coucher ?
Sa voix douce et hésitante le tira de ses pensées.
Il n’aimait pas l’entendre ainsi.
Il se tourna vers elle et découvrit qu’elle avait mis un tee-shirt trop large dont le tissu était collé à tous les endroits de son corps qui étaient encore humides. Ses cheveux étaient lourds et mouillés, et elle avait pleuré. Ses joues étaient trop roses et ses yeux un peu trop rouges.
Hadès referma la bouche et posa son verre sur la table avant de traverser la pièce jusqu’à elle. Il prit son visage dans ses mains et caressa ses joues avec ses pouces.
Sa poitrine se comprima.
— Je te rejoins vite, chuchota-t-il, espérant que cela soulagerait son angoisse.
Hadès avait surtout besoin de se débarrasser de sa frustration, car il savait que cela ne ferait qu’empirer avant de s’améliorer, et il ne souhaitait pas qu’elle soit la récipiendaire de son agressivité.
Elle se mit sur la pointe des pieds pour l’embrasser, mais il évita sa bouche, déposant un baiser sur son front. Ce n’était pas le baiser qu’elle espérait ni celui qu’Hadès aurait voulu lui donner, mais c’était tout ce dont il était capable pour le moment. Il savait que s’il l’avait laissée faire, elle l’aurait attiré contre elle pour le garder, mais il lui aurait sauté dessus, et cela aurait été brutal et sans merci.
Il n’était pas certain qu’elle puisse encaisser.
Cependant, quand elle reposa les pieds à plat sur le sol, il se demanda si elle pouvait supporter qu’il la rejette ainsi.
Elle déglutit et quand elle lui tourna le dos, il eut l’impression qu’elle lui avait arraché le c?ur et qu’elle l’emportait au lit avec elle.
Chapitre XII
Hadès
Hadès retourna sur l’?le de Lemnos, à la forge d’Hépha?stos qui se trouvait sur une presqu’?le volcanique. Quand il entra, quelque chose craqua sous ses pieds. Il s’arrêta et baissa les yeux, découvrant des bouts de pièces et de fils métalliques.
Des abeilles mécaniques.
Hépha?stos avait commencé à les fabriquer en réponse à Déméter, dont l’humeur imprévisible avait souvent un impact sur la terre – et étant donné la situation météorologique, il n’avait pas eu tort. C’était sa manière d’entrer en guerre contre la magie ancienne, et d’après Aphrodite, il y travaillait depuis longtemps, alors pourquoi étaient-elles désormais en miettes ?
Hadès avan?a en regardant où il mettait les pieds. Il y avait autre chose que des abeilles cassées sur le sol, des fragments de boucliers en bois et des lances brisées, des bouts d’armures déchiquetées comme si elles avaient été faites de papier, et une panoplie de pièces de corps animatroniques appartenant à des créations humaines et animales.
Hadès contourna l’angle de la pièce et trouva un bazar encore plus grand. Presque tout ce que contenait l’atelier du dieu du Feu était détruit. Même le bureau auquel il travaillait était fendu en son milieu, et au centre de tout ?a était assis Hépha?stos.
Hadès ne dit rien en avan?ant vers le dieu, qui ne sembla pas remarquer sa présence. Tout comme son atelier, il faisait peur à voir. Ses cheveux étaient détachés, et ses mains posées sur ses cuisses étaient ensanglantées.
Il n’avait même pas cherché à se guérir.
— Est-ce que ?a va ? demanda Hadès.
Hépha?stos ne répondit pas et ne le regarda pas. Certes, c’était une question stupide, car la réponse était évidente. Mais il avait trouvé nécessaire de la poser.
Hadès balaya de nouveau la pièce des yeux et vit un petit tabouret retourné dans un coin. Il le saisit et s’assit devant Hépha?stos.
C’était particulièrement inconfortable, mais c’était le seul moyen d’obtenir l’attention du dieu du Feu.
— Dis-moi ce qui s’est passé.
— Il n’y a rien à raconter, répondit Hépha?stos.
— ?a m’a tout l’air du contraire.
Un long silence suivit. Hadès n’invita pas le dieu à répondre, mais il ne partit pas non plus. Au bout d’un moment, le dieu parla.
— On s’est disputés, dit-il.
— Est-ce qu’Aphrodite va bien ? s’inquiéta Hadès.
— Oui, elle va très bien. Du moins, physiquement, ajouta-t-il. Je ne l’ai même pas touchée. Je ne l’ai jamais… touchée.
Hépha?stos prit une grande inspiration et se passa les mains dans les cheveux.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? insista Hadès.
— Elle… m’a accusé d’être la raison pour laquelle Harmonie a été blessée, dit-il. Elle a dit que ce qui avait été utilisé contre sa s?ur devait être l’une de mes créations.
Tant de reliques avaient été volées et passées sur le marché noir que ce n’était pas impossible, mais ce n’était pas pour autant la faute d’Hépha?stos.
Après quelques secondes de silence, le dieu reprit :
— Je suis parti après qu’elle m’a dit combien je la rendais malheureuse, et je suis venu ici. Tu peux deviner la suite.
Si Hadès avait toujours su que quelque chose bouillonnait sous la fa?ade calme et tranquille d’Hépha?stos, il devait admettre que c’était autre chose de le voir de ses propres yeux. Il comprenait que le dieu ait honte. D’ailleurs, il semblait encore plus anéanti de ne pas avoir pu contr?ler sa colère.