La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent alors et Hadès entra dans la suite d’Apollon. Contrairement à son appartement du Chrysos, celui-ci était décoré de fa?on extravagante. Tout était couvert de motifs, tous différents les uns des autres : un canapé fleuri, des coussins rayés, des rideaux brodés de petits diamants… le tout cousu de fil doré et dégoulinant de joyaux.

Ce devrait être une salle de torture, se dit Hadès. En tout cas, cela le rendrait fou de passer du temps ici.

Il s’avan?a vers la pièce adjacente, où tr?naient une baignoire à pattes de lion et, au-delà, un immense lit dans lequel était étendu Apollon, sur le dos, jambes et bras écartés. Il portait un peignoir qui était ouvert, révélant son érection, et il ronflait.

Fort.

Hadès regarda le dieu un moment, puis son regard tomba sur la bouteille de vodka vide sur la table de chevet. Il y en avait une autre par terre.

Merde.

Apollon était difficile à gérer quand il était sobre, mais ivre…

Hadès soupira, agacé, puis il prit l’une des bouteilles vides et la remplit d’eau à la baignoire, puis il s’empressa de la renverser sur le visage d’Apollon.

Le dieu s’agita sous la douche froide.

— Putain de merde ! s’écria-t-il.

— Tu ronfles, lan?a Hadès à Apollon qui le fixait.

— Pas du tout ! aboya Apollon.

— Si, tu ronfles. Je viens de t’entendre.

Apollon l’ignora et souleva avec deux doigts le bas de son peignoir.

— T’as ruiné mon kimono.

Il se leva, jeta son peignoir par terre et se dirigea, nu, jusqu’à l’armoire située de l’autre c?té de la pièce. Il en ouvrit les portes, révélant plusieurs kimonos identiques au premier.

Hadès secoua la tête.

— Nom d’une Moire, sérieux ?

— Quoi, Hadès ? cracha Apollon en enlevant un peignoir d’un cintre pour l’enfiler. C’est la mode, mais tu ne dois pas le savoir puisque tu n’as qu’une seule couleur dans ta garde-robe, le noir. Je suppose que c’est assorti à la couleur de ton ?me.

Hadès haussa un sourcil en se disant que c’était davantage une question de confort, pour Apollon, que de mode, mais il n’en dit rien.

— Tu te sens mieux ? demanda-t-il.

Apollon prit une grande inspiration.

— Eh bien, oui, en fait, répondit-il en claquant les portes de l’armoire. Mais ce n’est pas gr?ce à toi. Qu’est-ce que tu fais ici, de toute manière ?

— Tu étais censé faire l’autopsie d’Adonis, dit Hadès.

— Je l’ai faite, répondit Apollon. Il était plein de trous.

Ce n’était guère une surprise, puisqu’ils avaient trouvé le manche d’un couteau près du corps d’Adonis.

— Tu as une idée de l’arme qui a servi à le poignarder ? demanda Hadès.

— Une lame courbe, répondit Apollon en passant sa main dans ses cheveux mouillés.

— Comment tu le sais ? demanda Hadès.

— Parce que quand j’ai enfoncé mon doigt dans la plaie, elle était courbée, Hadès. Bon sang, tu m’as demandé de faire une autopsie. Je l’ai faite, putain.

Hadès ne savait pas ce qui le dérangeait le plus ; la mauvaise humeur d’Apollon ou le fait que c’était une larme courbe qui avait ?té la vie d’Adonis.

Une lame en particulier lui venait à l’esprit : la faux de son père.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Hadès.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? répéta Apollon en tournant brusquement la tête vers lui. Je ne sais pas, Hadès. Peut-être que je suis énervé parce que tu m’as réveillé avec un seau d’eau !

Hadès leva les yeux au ciel et soupira, mais Apollon n’avait pas fini.

— Ou peut-être parce que j’ai passé le gros de ma journée dans un cadavre après avoir été invoqué sur une scène de crime à quatre heures du putain de matin.

Hadès observa le dieu qui faisait les cent pas.

— Ou peut-être parce que ?a fait un mois que je n’ai pas baisé, mais tu ne comprendrais pas, toi, puisque tu baises toutes les nuits, plusieurs fois par nuit.

— Je… ne sais plus trop de quoi on parle, Apollon, mais je crois que tu as besoin de voir un psy.

— Ce dont j’ai besoin, c’est que tout le monde me laisse tranquille !

Il y eut un silence, puis Hadès reprit :

— Apollon… tu es amoureux ?

— Quoi ? Non !

— C’est qui, cette fois ?

— Ne le dis pas ?a comme si ce n’était rien, répondit Apollon.

Ce n’était pas l’intention d’Hadès, mais il connaissait Apollon depuis très longtemps. Celui-ci encha?nait les amants, certains étaient consentants, mais la plupart ne l’étaient pas, et pourtant, il avait prétendu tous les aimer.

— D’accord, très bien, dit Hadès. Pourquoi celui-ci est-il différent ?

— Je ne sais pas, bougonna Apollon. C’est le problème, justement. Je le veux, c’est tout.

— Et alors ? Il ne te veut pas, lui ?

Le dieu resta silencieux.

— Apollon ?

— Je n’ai pas envie de le savoir, marmonna-t-il.

— Quoi ?

— Je ne veux pas le savoir ! s’écria-t-il, le regard brillant. Tu ne sais pas ce que c’est ; j’en ai tellement aimé, et ils ne m’ont jamais aimé en retour.

— Apollon…

— Je ne veux pas désirer cet homme, dit-il. Ce serait mieux pour nous deux.

Bon sang, tout ce qu’Hadès avait voulu savoir, c’était ce qui avait tué Adonis. Pourquoi sa vie était-elle si compliquée ?

— Le problème, c’est que tu le désires, justement, dit Hadès. Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?

Apollon cligna des yeux.

— Comment ?a ?

— Tu veux cet homme, qui qu’il soit…

— Ajax. Il s’appelle… Ajax.

— Tu désires Ajax. Donc : soit tu lui fais part de tes sentiments, soit tu ne fais rien. Mais si tu ne fais rien, tu dois accepter qu’il finisse par rencontrer quelqu’un d’autre.

— Et si c’était pour le mieux ?

— Tu ne peux pas comparer tous tes amants à Hyacinthe, Apollon. Ce n’est juste ni pour toi ni pour celui que tu aimes.

— Est-ce que tu ne comparerais pas chacune de tes ma?tresses à Perséphone ? rétorqua Apollon.

Hadès contracta sa m?choire et fusilla Apollon du regard. Il était hors de question qu’il tolère sa mauvaise humeur.

— Je me souviens d’un Apollon qui était prêt à tout perdre simplement pour regagner l’amour de sa vie, dit Hadès. Or te voici, maintenant, trop froussard pour prendre un risque.

— L’Apollon dont tu parles est mort depuis longtemps. Dire que tu aurais pu te débarrasser de moi si tu m’avais simplement jeté au Tartare.

Hadès avait refusé la demande d’Apollon de mourir après la mort de Hyacinthe, et cela pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’exaucer un tel souhait aurait été équivalent à prendre une vie, et les Moires auraient exigé une ?me en retour.

Hadès ne voulait pas savoir ce qu’elles auraient fait après un sacrifice aussi grand que celui d’Apollon.

— S’il est vrai que tu m’agaces, dit Hadès, et que je pourrais te tuer après le contrat que tu as conclu avec Perséphone… ?a me manquerait, ?a.

— Qu’est-ce qui te manquerait ? demanda Apollon, confus.

— ?a, répondit Hadès en désignant le dieu de la Musique, cette attitude pathétique…

— Pathétique ?

— … pitoyable…

— Pitoyable ?

— … misérable…

— Misérable ?

— On peut vraiment dire que ?a transpire ? dieu de la Lumière ?…

— Va te faire foutre ! dit Apollon.

Hadès ricana d’un ton lugubre.

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