C’était bien la dernière chose qu’il avait envie de faire.
Dionysos invoqua sa magie et des lianes épaisses surgirent du sol, s’enroulant autour des poignets de Michail pour le mettre à terre. Il atterrit sur le visage, les bras en croix. Dionysos marcha jusqu’à lui et lui souleva la tête par les cheveux, lui arrachant un cri de douleur. Son visage était rouge et il saignait du nez.
— Ose poser la main sur elle et tu mourras, Michail, dit-il. ? présent, je t’ai posé une question, tout à l’heure.
— Va te faire foutre ! grogna Michail en crachant du sang.
Dionysos lui plaqua le visage par terre et, cette fois, lorsqu’il le tira à nouveau, ce fut par ce qui lui restait de cheveux.
— Essayons à nouveau. La fille. Où est-elle ?
— Je ne sais pas, siffla Michail.
Dionysos s’apprêtait à le frapper de nouveau, mais le mortel en avait assez.
— Attends ! Attends ! dit-il d’une voix rauque. Je… je l’ai prévenue de ne pas aller sur la c?te.
— Tu veux me faire croire que tu es une sorte de sauveur ?
— Tu ne comprends pas sa beauté. C’est comme l’appel d’une sirène.
Dionysos était dégo?té de ce qu’insinuait Michail, que Méduse était trop belle pour exister dans ce monde sans s’inquiéter des prédateurs.
— Elle est partie sur la c?te ? demanda Dionysos. Et ensuite ?
— Je ne sais pas ! Elle n’est jamais revenue ! cria Michail avant de se calmer. Mais l’océan est le royaume de Poséidon, et tu sais ce qu’il fait aux belles choses.
Ouais, Dionysos le savait parfaitement.
Il les brisait.
— Putain !
Dionysos frappa la tête de Michail contre le sol et, cette fois, le mortel ne bougea plus.
Quand Dionysos se releva, il se tourna vers Ariadne qui le regardait en silence.
— Range ton arme, dit-il avant de ramasser la veste d’Ariadne par terre.
Il la saisit et la passa sur les épaules de la jeune femme en l’attirant contre lui.
— Allons-y, dit-il.
Cette fois, il n’avait aucune envie de traverser Nouvelle Athènes.
Il les téléporta tous deux chez lui.
Chapitre IX
Hadès
Hadès n’aimait pas particulièrement se rendre dans le quartier du Plaisir. En général, il n’y allait que pour prendre des nouvelles de Madelia Rella, qui s’était adressée à lui quand elle cherchait des fonds pour ouvrir son premier bordel. Madelia était différente des autres tenanciers du quartier, en ce sens qu’elle avait toujours exprimé son souhait de protéger les droits des travailleurs du sexe. Elle avait promis à Hadès que s’il lui confiait son pouvoir, elle s’en servirait pour faire le bien, et elle avait tenu parole, même si cela avait eu un co?t élevé : le trafic du sexe.
Plus les propriétaires de bordel avaient de règles à respecter, plus ils trouvaient de fa?ons de les contourner. Les travailleurs du sexe non déclarés ne pouvaient être tenus d’adhérer aux mêmes normes, et cela avait pour résultat que de pauvres innocents vivant dans la rue disparaissaient pour être forcés à se prostituer.
C’était un cercle vicieux, comme toute la vie au royaume des vivants.
Ce soir, Hadès n’était pas venu voir Madelia, mais Apollon, présumant qu’il serait à ?rotas quand il avait trouvé son appartement du quartier Chrysos vide. Il se demandait pourquoi Apollon y gardait une résidence, car il n’y était presque jamais.
Hadès apparut à l’entrée d’?rotas dans un nuage de fumée noire. Plusieurs personnes crièrent, mais Sélène, la maquerelle, les fit taire. C’était une femme plus ?gée, belle et raffinée. Hadès ne la connaissait pas, mais il savait qu’elle dirigeait ce bordel depuis longtemps et, d’après ce qu’on disait, elle prenait soin de ses employés.
La maquerelle s’avan?a vers lui et esquissa une révérence, les mains jointes devant elle.
— Lord Hadès, dit-elle en se redressant, que puis-je faire pour vous ?
Il admira le fait qu’elle le regarde dans les yeux, contrairement aux personnes derrière elle.
— Je suis venu voir Apollon.
Les filles gloussèrent dans son dos.
— Silence ! ordonna Madame Sélène en les fusillant du regard. Bande d’imbéciles ! Ne vous moquez pas du dieu des Morts.
Un silence de plomb s’abattit sur la pièce, accompagné d’une tension palpable. Hadès sentait l’angoisse et la peur dans l’air, même s’il ne savait pas si c’était d? à sa présence ou à l’autorité de Madame Sélène. Il avait l’impression que si la maquerelle gérait son bordel de fa?on aussi efficace, c’était en partie parce que personne ne voulait la décevoir.
Elle regarda Hadès dans les yeux.
— Bien s?r. Je vais vous escorter à ses appartements.
Elle tourna les talons et ses employées s’écartèrent, s’adossant au mur pour laisser passer leur patronne et Hadès. Quand ils arrivèrent dans le couloir, ils entrèrent dans un ascenseur couvert de miroirs. La maquerelle sortit un trousseau de clés de la poche de sa longue jupe et s’en servit pour accéder à l’étage d’Apollon. Hadès remarqua qu’elle tenait la clé fermement dans sa main. Elle avait beau se forcer à para?tre détendue, il la rendait nerveuse – et à raison.
Hadès l’étudia dans le miroir. Sa m?choire était crispée, son menton levé, et sa poitrine se soulevait et s’abaissait rapidement.
— C’est moi qui vous rends nerveuse, Madame Sélène ?
— N’importe qui le serait en présence d’un dieu tel que vous, dit-elle.
Hadès gloussa et regarda ses pieds en répondant :
— Peut-être êtes-vous nerveuse parce que vous avez un jour permis à ma fiancée d’être vendue aux enchères ?
Madame Sélène leva brusquement la tête.
— Elle m’avait promis de ne rien dire.
— Est-ce que vous insinuez que ma future épouse, reine des Enfers, est une menteuse, Madame ?
— Non, bien s?r que non. Je…
— Elle ne m’a rien dit, précisa Hadès. C’est Apollon qui a parlé.
La maquerelle prit une inspiration tremblante.
— ?tes-vous venu me tuer, alors ?
Hadès ricana, mais elle parut vexée.
— Non, dit-il. Mais je vous demanderai de faire pénitence.
Elle déglutit.
— Sous quelle forme ?
— Une Faveur. ? exiger ultérieurement.
— Je n’ai guère de valeur à offrir, Milord.
— Vous avez votre ?me, répondit Hadès en la regardant dans les yeux.
Elle le dévisagea, immobile et silencieuse, attendant sans doute qu’il lui prenne son ?me.
— Mais je peux la prendre quand je veux, dit-il. Laissez-moi décider de ce qui a de la valeur, Madame, et croyez-moi quand je vous dis que je me ferai rembourser.
Il la regarda à nouveau dans les yeux et elle hocha la tête.