— Ta création ?
Thésée ne répondit rien, il n’avait pas à s’expliquer. Les Minotaures étaient créés comme ils l’avaient toujours été, de l’accouplement d’un taureau et d’une femme.
— Tu es exactement comme ton père, cracha Héra.
— Il faut ce qu’il faut, répondit Thésée avant de tourner la tête vers la déesse, dont le visage trahissait son dégo?t, comme si elle n’avait jamais commis d’horreurs au cours de sa longue vie. Ce n’est pas ce que tu avais dit ? De faire le nécessaire ? Je suis prêt à tout. Et toi ?
Héra se contenta de le dévisager. Thésée se concentra à nouveau sur le Minotaure.
— Ouvre la cage, dit-il.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Héra en invoquant sa magie.
Thésée gloussa, une porte de la cage s’ouvrait sur le labyrinthe.
Le Minotaure fit volte-face, les pattes écartées, le souffle rapide.
— Je t’ai fait peur, Héra ? demanda Thésée avant de tourner les talons pour remonter au premier étage de la prison, où une plateforme surplombait un labyrinthe complexe. Il était vaste et sombre, sans logique dans sa forme ni régularité dans la taille des couloirs.
Ils observèrent le Minotaure qui s’avan?ait, puis ils le virent hurler de rage quand la porte de sa cellule se referma, le coin?ant dans le labyrinthe.
— Hadès peut tuer un Minotaure, dit Héra.
— Je sais, répondit Thésée.
Il comptait dessus.
Chapitre XLV
Hadès
Cet enfoiré de Thésée !
Une éternité au Tartare ne suffirait pas, Hadès ne serait pas satisfait avant que son neveu n’ait cessé d’exister. Il briserait son ?me, couperait son fil en mille morceaux et les consumerait. Ce serait le repas le plus succulent de sa vie.
Putain de Faveur !
Putain de Moires !
Il se débattit contre les liens de Perséphone et ses muscles tremblèrent en se crispant, mais les lianes refusaient de céder.
Putain, putain, putain !
Perséphone était puissante, et il aurait ressenti une grande fierté si elle n’était pas partie avec cet enfoiré de demi-dieu. Il savait pourquoi elle l’avait fait. Elle avait voulu le protéger, et cette pensée le tirailla, comprimant douloureusement sa poitrine. Il l’aimait tant et il ne supportait pas qu’elle se mette ainsi en danger, même s’il le comprenait.
Qu’allait lui faire Thésée ?
Sa peur déclencha une nouvelle vague de rage en lui et il se débattit à nouveau contre les lianes de Perséphone. Cette fois, il en entendit une craquer et l’un de ses pieds fut libéré. Il poussa avec son bras, faisant gonfler ses veines sous sa peau, et le lierre lui écorcha le poignet, mais il céda. Après cela, il arracha le reste et dès qu’il fut libre, il se téléporta.
Perséphone avait le coup de main pour cacher sa propre signature énergétique. Il n’avait pas encore découvert si cela faisait partie de ses pouvoirs ou si c’était d? au fait que ceux-ci étaient restés dormants pendant si longtemps. Quoi qu’il en soit, cela rendait sa localisation impossible, sauf quand elle portait sa bague. Il se concentra sur l’énergie unique des pierres, la pureté de la tourmaline et la douce caresse de la dioptase. Il n’avait pas prévu de s’en servir pour la traquer quand il la lui avait offerte, il était capable de retrouver n’importe quel métal ou joyau avec lequel il s’était familiarisé.
Il se manifesta au milieu de ruines.
Il ne lui fallut pas longtemps pour reconna?tre où il était : au Palais de Cnossos. Dans la nuit, il était impossible de discerner le détail des fresques colorées qui recouvraient ce qui restait de l’ancienne muraille ni de voir son envergure, mais Hadès le connaissait bien car il y était venu durant son heure de gloire et au cours de son inévitable destruction.
C’était ici qu’il avait per?u la bague de Perséphone, mais faiblement. Il savait que ces ruines s’enfon?aient dans les entrailles de la terre, dans un labyrinthe dont le dessein était de perdre les visiteurs. Il imagina Perséphone quelque part dans le palais et sa colère le poussa à entrer.
Il avait beau y faire noir, ses yeux s’acclimatèrent vite et il traversa le sol en mosa?que brisée jusqu’à un large trou, où le sol semblait s’être effondré. Il s’adressa à ses spectres et leur ordonna de descendre. Il les observa, le trou révéla un autre étage du palais, puis un autre encore, plus profond.
Hadès sauta et atterrit sur un autre sol en mosa?que. Ici, le palais était moins ab?mé, ses colonnes et ses pièces étaient plus visibles. Hadès les traversa, en suivant les énergies de la bague de Perséphone, mais un malaise s’empara de lui. Il percevait la vie, une vie ancienne, ainsi que la mort. Ce n’était pas inhabituel, étant donné que le site datait de l’Antiquité, des centaines de personnes étaient mortes ici. Mais cette mort était en partie récente, frappante, aigu? et acide.
Hadès continua de descendre jusqu’à ce qu’il arrive au bord d’un autre trou béant. L’odeur de mort y était encore plus forte, tout comme l’énergie de la bague de Perséphone. La rage et la peur d’Hadès parcoururent son corps, une crainte épaisse et horrifiante lui noua la gorge. Il se rappela le soir où il l’avait trouvée dans le sous-sol du Club Aphrodisia et, l’espace d’un instant, il se retrouva là-bas, avec Perséphone dans ses bras, brisée. Il sentit à nouveau l’odeur de son sang, et son esprit s’échappa dans un lieu sombre et rempli de violence. C’était justement le genre de colère dont il avait besoin, la poussée d’adrénaline l’aiderait à réduire le monde en cendres s’il la trouvait blessée.
Il sauta dans l’ab?me et cette fois, lorsqu’il atterrit, le sol trembla. Il se redressa et découvrit qu’il était face à plusieurs couloirs étroits.
Un labyrinthe.
Il était familier de ce genre de savoir-faire, et reconnut le travail de Dédale, un inventeur et architecte ancien, connu pour ses innovations. C’était d’ailleurs l’une de celles-ci qui avait causé la mort de son fils.
Merde, pensa Hadès en tournant sur lui-même, étudiant chaque chemin. Il faisait plus froid ici, et l’air était plein de poussière, il était sale et étouffant. Il parvint toutefois à sentir l’énergie de la bague, elle était encore plus forte dans le couloir de droite. Il s’avan?a ainsi dans le noir et remarqua que des parties du tunnel étaient démolies, comme si les murs avaient été frappés par un objet très lourd.
Une chose monstrueuse avait vécu ici.
Peut-être y était-elle encore ?
Hadès rassembla ses spectres autour de lui et les envoya dans le couloir, mais ils revinrent, désorientés, avant de se dissiper dans la nuit. Leur comportement étrange fit se hérisser les poils de sa nuque. Il y avait quelque chose d’anormal dans ce labyrinthe, qui ne lui plaisait pas.
Soudain, le sol explosa sous ses pieds et il vola contre le mur opposé. Quand il reposa les pieds par terre, il se trouva face à un taureau, du moins, à sa tête. Le reste de son corps était humain.