La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Hadès n’était en rien différent.

Il avait passé toute sa vie à espérer l’amour, conscient de son absence, telle une épine plantée dans sa poitrine. Par le passé, il pensait que c’était un désir égo?ste, mais il comprenait maintenant que c’était la seule chose qui rendait tout ?a supportable. C’était la seule chose qui le ferait tenir dans cette guerre.

S’il s’y préparait quotidiennement, et ce depuis longtemps, il n’avait pas eu le temps de réfléchir à ce que cela impliquerait de retourner au combat. Peut-être était-ce pour le mieux, cependant, car quand il s’attardait trop sur la question, il se souvenait du poids de son armure, de la manière dont elle emprisonnait la chaleur et lui donnait l’impression d’être br?lé vif. Il se souvenait du bruit des corps percés par des lances, de l’odeur des flammes et de la mort. Il se souvenait du sang – de sa couleur et de sa texture – et se souvenait encore du jour où il n’avait plus remarqué son odeur, tant elle était en permanence dans l’air.

La guerre est inévitable quand un grand pouvoir est en jeu, tout comme lorsqu’il s’agit d’un grand amour. En fin de compte, Hadès l’affronterait, et il se battrait pour Perséphone pendant qu’elle se battrait pour le reste du monde.

— Tu fais peur à voir.

Hadès se tourna vers la porte de son bureau de Nevernight, où se tenait Hécate.

— Je ne me sens pas fabuleux, admit Hadès.

Il ne s’était pas couché, même après que Perséphone le lui avait demandé. Il l’avait vexée et elle était partie dormir dans la suite de la reine, ce qui signifiait qu’il ne l’avait pas vue se lever pour aller au travail, non plus, et son absence pesait lourd sur ses épaules.

Il aurait d? céder et la rejoindre. En fait, il la punissait pour ses propres échecs. Il ne savait pas pourquoi il pensait que prendre ses distances était la meilleure solution.

— Tant mieux, dit Hécate. J’ai besoin de toi.

Hadès haussa les sourcils.

— Pour quoi faire ?

— Je t’ai fait un costume, dit-elle. J’ai besoin de te voir avec pour décider s’il me pla?t.

— Il est noir ? demanda Hadès.

— Non, il est jaune, répondit Hécate, faisant sourire Hadès. Bien s?r qu’il est noir. Tu crois vraiment que j’essaierais d’envelopper ton ?me lugubre dans une autre couleur que le noir ?

— S’il est noir, pourquoi j’ai besoin de l’essayer ? Tu sais de quoi j’aurai l’air.

— Finalement, je suis s?re que le costume va me plaire. C’est toi qui me poses problème.

Hadès ricana et se leva.

— D’accord, Hécate. Fais-toi plaisir.

*

* *

— Arrête de gigoter ! ordonna Hécate en serrant les aiguilles entre ses lèvres.

Elle était agenouillée et trifouillait le bas de sa veste.

Hadès n’y pouvait rien. Il pensait que ce costume ressemblerait à ceux qu’il portait tous les jours, mais quand il l’avait enfilé, il avait découvert qu’il ne ressemblait en rien à ses vêtements habituels. Cela dit, ce n’était pas pour ?a qu’il gigotait. C’était parce qu’en l’essayant, il réalisait qu’il allait vraiment se marier.

— C’est de la soie ? demanda-t-il.

— C’est de la laine, siffla Hécate. Si tu n’arrêtes pas de bouger, je vais te geler sur place.

— De la laine ? Pourquoi il est si brillant ?

— Parce qu’il est doux, Hadès.

Il gloussa.

— Pourquoi tu es aussi énervée ?

— Je ne sais pas si tu es au courant, Hadès, mais ta simple présence est aga?ante.

— Tu ne peux pas utiliser ta magie pour l’ajuster ? Ce serait plus facile.

— Plus facile, oui, dit-elle. Mais ce projet me tient à c?ur, et je préfère coudre à la main.

Hadès déglutit. Il avait beau la taquiner, il était reconnaissant d’avoir l’amitié d’Hécate.

— Là, dit-elle en se levant et en reculant pour l’observer.

— C’est parfait, Hécate, dit Hadès en étudiant son reflet. Je ne te remercierai jamais assez.

— Tu peux me remercier en te mariant vraiment, dit la déesse. J’ai écrit un discours.

— Tu sais bien que ce n’est pas une question de volonté.

— Tu feras exactement ce que tu veux, dit-elle. ?a a toujours été le cas, peu importe les conséquences. Ce qui compte, c’est que Perséphone va avoir besoin de ta magie pour ce qui nous attend.

C’était ?a, la véritable raison pour laquelle Zeus voulait avoir son mot à dire au sujet de leur union, et pour laquelle il consulterait l’Oracle à ce sujet. Que ressortirait de l’union de la vie et de la mort ? Ils étaient le début et la fin, l’aube et la nuit. Ils étaient sans fin, et leur magie le serait aussi.

— Qu’est-ce qui nous attend, Hécate ? demanda Hadès en haussant un sourcil.

Hécate était la triple déesse, capable de voir le passé, le présent et le futur – mais même avec cet immense pouvoir, Hadès ne l’interrogeait jamais. Il faisait confiance à Hécate pour le guider, et c’était ce qu’elle faisait. Mais maintenant qu’elle avait verbalisé l’existence de cette menace, il ne pouvait se retenir de la questionner.

— Tu sais ce qui nous attend, dit-elle en le regardant dans les yeux. Tu le sens jusque dans tes os. C’est pourquoi, même si tu veux te battre pour Perséphone, tu continues de la repousser.

Hadès réfléchit à ses propos.

Il était vrai qu’il s’effor?ait d’enfouir une part de lui, une part qui ressentait les choses de fa?on trop intense.

— ?tre froid dans cette guerre ne te servira à rien, Hadès, dit la déesse. C’est une bataille qu’il vaut mieux mener par passion.

Hécate le dévisagea un moment, puis elle baissa les yeux sur son costume.

— ?a me pla?t… mais il manque quelque chose. Une boutonnière, non ? Quelle fleur veux-tu, Hadès ?

Elle fit un pas de c?té pour qu’il puisse se regarder dans le miroir, mais il n’avait pas besoin de le faire. Il savait quelle fleur choisir, et quand il toucha la poche de sa veste, une primevère rouge s’y épanouit. C’était la fleur qu’il portait lors de sa première rencontre avec Perséphone et qu’elle avait fait faner d’un simple toucher.

— Parfait, déclara Hécate.

*

* *

Après l’interruption d’Hécate, Hadès termina quelques t?ches sans grand intérêt, puis il se rendit dans les jardins des Enfers. Il déambula jusqu’au Pré d’Asphodèle, où il fut rejoint par Cerbère, Typhon et Orthos. Ils avaient tous les trois été très occupés, étant donné le nombre d’?mes qui étaient arrivées aux Enfers, et ils semblaient frémir d’énergie réprimée.

— Vous voulez jouer, les gar?ons ? demanda Hadès.

Il n’ordonna pas à Cerbère de l?cher sa balle rouge et quand il voulut la lui prendre, le doberman planta ses crocs dedans, luttant contre la poigne d’Hadès. Typhon et Orthos s’impatientèrent et se mirent à aboyer.

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