C’était ce qu’il cherchait quotidiennement, parce que c’était la première chose qui lui avait été enlevée quand son père l’avait avalé tout entier, à sa naissance. Dès qu’il s’était cru libéré de cette horrible prison, il avait d? affronter dix années de combat. Après cela, avoir le contr?le avait donné lieu à une existence sinistre, car tout le monde dans son royaume devait se sentir comme lui, misérable et torturé. Après tout ce dont il avait été témoin, il s’était persuadé que personne ne méritait un repos éternel paisible.
Avec le temps, sa notion de contr?le avait évolué et son empire s’était étendu dans le monde des mortels. Il avait cherché à s’emparer des parties les plus sombres, alimentant les bas-fonds de la Nouvelle Grèce jusqu’à ce que le pouvoir et le statut ne puissent être obtenus que gr?ce à lui, de sorte que tous ceux qui opéraient en dehors de son règne ne tenaient pas longtemps. Il n’y avait que peu d’exceptions, mais parmi elles se trouvaient Dionysos, et plus récemment Thésée qui était surtout soutenu par son père.
Cependant, même ces deux-là ne le mettaient pas au défi comme Perséphone le faisait. Elle avait déboulé dans sa vie et l’avait défié à chaque tournant sans qu’il ait réussi à exercer le moindre contr?le sur elle. Elle refusait d’être enfermée et limitée et, finalement, il ne pouvait pas lui en vouloir. Elle venait à peine d’échapper à l’autorité de sa mère quand elle était tombée nez à nez avec lui, un inconnu qui avait essayé de lui imposer des règles. Il n’était pas étonnant qu’elle ait tout fait pour lui résister.
En fin de compte, elle voulait simplement la même chose que lui.
— Je veux le contr?le aussi, chuchota-t-elle.
Hadès voulait le lui offrir.
— Je vais t’aider à t’en emparer, dit-il en lui tendant la main.
Elle n’hésita pas et vint à lui, elle pla?a sa main dans la sienne et se colla à lui. Il la fit tourner de sorte qu’elle soit adossée à son torse et il plaqua ses mains sur ses hanches dans un geste possessif. Il savait que Pirithoos se réveillerait bient?t, et il voulait que le demi-dieu réalise immédiatement ce qu’il avait fait – qu’il sache qu’il avait enlevé la mauvaise déesse et défié le mauvais dieu.
Maintenant qu’il la tenait en sécurité dans ses bras, il invoqua sa magie et visualisa une lance, qu’il projeta sur Pirithoos. Le demi-dieu inspira brusquement dans un cri aigu, comme si le pouvoir d’Hadès était douloureux. Quand elle l’entendit, Perséphone se crispa. Hadès se rapprocha encore d’elle, comme pour lui servir de rempart contre sa peur. Il chuchota à son oreille, effleurant son lobe avec ses lèvres :
— Tu te souviens du jour où je t’ai appris à invoquer ta magie ?
Il le lui avait appris un soir, sous les branches argentées du bois qu’il lui avait offert. Il se souvenait de cette soirée et de la fa?on dont son corps avait enveloppé le sien, de la fa?on avec laquelle il l’avait touchée, de la fa?on dont son désir l’avait peu à peu réchauffée sous ses caresses. Hadès se sentit soudain excité et, même s’il avait aimé réprimer la sensation pour se concentrer sur la raison de leur visite au Tartare, Perséphone ne lui rendrait pas la t?che facile.
Elle tressauta et pressa ses fesses et ses épaules contre lui. Elle n’avait pas besoin de lui répondre ; sa réaction lui disait qu’elle se souvenait très bien de ce qui était arrivé ensuite.
Elle répondit quand même.
— Oui.
Hadès esquissa un sourire et effleura la gorge de Perséphone en lui parlant.
— Ferme les yeux, chuchota-t-il, car le demi-dieu commen?ait à remuer et Hadès ne voulait pas que sa déesse ait à le regarder.
Pirithoos ouvrit les yeux et fron?a les sourcils, son regard endormi se posa sur Perséphone, ce qui sembla finir de le réveiller. Il pronon?a alors son nom et Hadès dut invoquer tout son self-control pour ne pas se jeter sur lui et lui arracher la langue.
Instinctivement, il se colla davantage à elle et planta ses ongles dans ses hanches. La toucher lui permettait de s’ancrer dans la réalité et lui rappelait pourquoi ils étaient là : pour que Perséphone reprenne le pouvoir et ainsi, peut-être, qu’elle puisse enfin dormir en paix.
— Qu’est-ce que tu ressens ? demanda-t-il, concentré sur elle.
Il n’était question que d’elle.
Il parlait contre sa peau et la sentit inspirer profondément quand Pirithoos se mit à la supplier.
— Perséphone, s’il te pla?t, insista le demi-dieu d’une voix tremblante.
Plus il passait de temps éveillé, plus il se souvenait de la torture qu’il avait endurée aux mains d’Hadès, et plus il était désespéré.
— Je… je suis désolé.
Désolé.
Le mot br?la la peau d’Hadès, invoquant les ténèbres qui vivaient juste sous la surface. Il ressentait…
— De la violence, déclara-t-elle.
Hadès sut que c’était vrai parce qu’il décela un aspect tranchant à ses pouvoirs, qu’il n’avait jamais ressenti auparavant. Sous la chaleur et son parfum floral se trouvait quelque chose d’aiguisé et de désespéré. Il voulait y go?ter, le suivre du bout de la langue.
— Concentre-toi dessus, dit Hadès en saisissant sa main. Nourris-la.
Dans le silence qui suivit, Hadès resta immobile, savourant la sensation de sa magie alors qu’elle se concentrait pour la rassembler dans la paume de sa main. C’était une immense vague de pouvoirs qui le frappa en plein dans le ventre.
— Où veux-tu lui faire mal ? demanda Hadès.
— Ce n’est pas toi, dit Pirithoos d’une voix geignarde et aigu?, et Hadès aurait adoré le faire taire. Je te connais, je t’ai observée !
Oui, il l’avait observée.
Il l’avait ciblée et suivie. Il avait pris des photos d’elle chez elle, où elle était censée être en sécurité. Il avait cru avoir tous les droits sur son corps, pour la simple raison qu’elle existait.
Et il serait éternellement puni pour cela.
— Il voulait se servir de sa verge comme d’une arme, dit-elle. Je veux qu’elle br?le.
Hadès esquissa un sourire machiavélique.
— Non ! S’il te pla?t, Perséphone, cria Pirithoos en tirant sur les cordes. Perséphone !
— Alors, fais-la br?ler, dit Hadès.
Il la l?cha et elle leva la main, remplie d’une magie br?lante qu’elle projeta droit sur le sexe de Pirithoos. Il sursauta et se débattit contre les cordes qui le ligotaient de telle sorte qu’elles lui coupèrent la peau. Il recula brusquement la tête et montra les crocs. Hadès imaginait que sa magie lui donnait l’impression d’être électrocuté. Il en sentait le courant, comme la chaleur résiduelle d’un feu, et ses poils se hérissèrent sur sa nuque.
— Ce… n’est pas… toi, grogna Pirithoos.
Hadès sentit Perséphone se crisper et elle se tint plus droite, haussant le menton en dévisageant le demi-dieu. S’il ne pouvait voir son expression, il sut qu’elle devait ressembler à une reine, car l’expression torturée de Pirithoos changea, comme s’il comprenait soudain que ses implorations étaient inutiles.