Leur pouvoir était inconnu, tout comme leur nombre, et le fils quelconque d’un Olympien avait réussi à kidnapper non seulement une autre déesse mais sa déesse.
Il se concentra à nouveau sur Perséphone, à qui il aurait d? offrir des paroles réconfortantes.
— Tu as raison, répondit-il. Peut-être devrais-je punir Hélios, dans ce cas.
Elle lui accorda un regard blasé.
— ?a t’aiderait à te sentir mieux ?
— Non, mais ce serait dr?le, admit Hadès.
Il ne lui dit pas, toutefois, qu’il avait déjà tellement agacé le dieu du Soleil au cours des derniers mois qu’Hélios n’accepterait peut-être plus jamais de l’aider. Si c’était davantage un soulagement qu’une perte, il était presque certain que le dieu se rangerait dans le camp d’Héra, si ce n’était déjà fait, pour renverser Zeus.
De son c?té, Hadès avait réussi à forcer la reine des dieux à se plier à sa volonté, s’assurant que lorsque Zeus protesterait contre son mariage avec Perséphone, Héra prendrait sa défense. Elle avait accepté, même si ?a avait été à contrec?ur. Si Hadès n’était pas contre voir la fin du règne de Zeus, il voulait surtout que Perséphone soit à ses c?tés lorsque ce jour viendrait. Ils étaient bien plus puissants ensemble que séparément, mais Zeus le saurait ; il incarnait donc la plus grande menace à leur bonheur.
— J’aimerais le voir, dit Perséphone.
Il fallut un moment à Hadès pour comprendre ce qu’elle avait dit, car il avait eu l’esprit complètement ailleurs. Il se sentait coupable d’avoir pensé à Zeus et Héra alors qu’elle angoissait à propos de Pirithoos.
Le ton déterminé de sa voix lui dit qu’il ne pouvait pas la combattre – non pas qu’il refuserait sa demande. Il lui avait fait cette promesse le soir où il l’avait sauvée et il comptait la tenir, même si ce n’était pas tout à fait ce qu’elle lui avait demandé.
Quand tu le tortureras, je veux me joindre à toi, avait-elle dit, et s’il avait accepté, cela ne l’avait pas empêché d’aller au Tartare dès cette nuit-là pour tourmenter le demi-dieu seul, ni d’y retourner presque tous les soirs depuis, pour faire la même chose. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas honorer la demande de Perséphone, mais il attendait qu’elle la formule à nouveau, car il saurait alors qu’elle était prête.
Il hésitait, néanmoins, car lorsqu’elle aurait vu cette partie du Tartare, elle conna?trait sa part la plus sombre. Elle connaissait le but de cette prison, mais c’était autre chose de la visiter, et Hadès avait peur qu’elle comprenne enfin de qui elle était tombée amoureuse et qu’elle réalise qu’elle ne l’aimait pas du tout, finalement.
Il la regarda droit dans les yeux pour lui répondre :
— Comme tu veux, ma chérie.
*
* *
Hadès emmena Perséphone à la salle blanche, l’une de ses salles de torture les plus modernes qui servait à priver ses occupants de leurs sens. Parfois, Hadès y laissait une ?me en vie pendant plusieurs semaines et, quand il revenait enfin, elle avait perdu toute notion d’elle-même. Il aimait tout particulièrement accorder cette punition à ceux qui s’étaient servis de leur statut et de leur pouvoir pour blesser et tuer dans le royaume des mortels. C’était encore plus satisfaisant de les voir enfin perdre leur contr?le.
C’était ici qu’Hadès avait laissé Pirithoos après avoir utilisé d’autres méthodes de torture, à la fois anciennes et nouvelles. Il lui avait brisé les os et les genoux, il lui avait coupé les testicules et le pénis, il l’avait couvert de miel pour laisser les insectes et les rats déchiqueter sa chair jusqu’à ce que ses os soient à vif.
Il avait fait tout cela et plus encore, et sa rage n’avait pas diminué. Même maintenant, il la sentait enfler en lui alors qu’il regardait Pirithoos, qui était avachi sur une chaise au milieu de la salle, maintenu par la corde qui entourait ses bras, sa taille et ses jambes. Sa peau était si p?le qu’elle semblait grise, et il était maculé de couches de sang séché, après ces tortures précédentes. Ce n’était pas beau à voir, et Hadès se demanda ce que Perséphone pensait, maintenant qu’elle était face au demi-dieu.
Elle était immobile et silencieuse à ses c?tés, les yeux rivés sur son agresseur. Au bout d’un moment, elle prit une inspiration qui sembla résonner dans le silence de la pièce.
— Il est mort ?
Hadès supposait qu’elle chuchotait de peur de le réveiller.
— Il respirera si je le lui ordonne.
Il réalisa soudain que la seule peur de Perséphone était que cet homme puisse à nouveau lui faire du mal. Il serra les poings et elle avan?a vers l’?me. Il dut lutter contre l’envie de la tirer en arrière, de la garder près de lui et de l’autoriser seulement à l’observer de loin, mais il savait qu’elle n’avancerait pas vers lui si elle ne s’en sentait pas capable.
— Est-ce que ?a t’aide ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.
Pendant un instant, il fut choqué de constater combien il était étrange de voir une chose si belle dans un tel lieu.
— La torture, précisa-t-elle.
Hadès étudia son visage.
Sa question paraissait innocente. Peut-être était-ce parce qu’elle supposait qu’il se servait de la torture pour guérir ses blessures et non pour les nourrir, comme c’était le cas avec Pirithoos. Peu importait le nombre de fois qu’Hadès ferait souffrir le demi-dieu, cela ne suffirait jamais.
— Je ne sais pas.
Elle l’étudia encore quelques secondes avant de se mettre à tourner autour du prisonnier. Elle ne pouvait pas se douter de l’effet que ?a faisait à Hadès, de la voir occuper l’espace comme une reine, sans même s’en rendre compte.
Elle s’arrêta derrière le demi-dieu pour le regarder et Hadès se dit qu’elle n’avait jamais été aussi belle, malgré l’endroit où ils se trouvaient.
— Alors, pourquoi tu le fais ?
Il chercha à savoir si elle lui posait la question parce qu’elle désapprouvait, mais elle ne semblait horrifiée ni par lui ni par le demi-dieu ligoté devant elle, et il répondit la vérité.
— Pour le contr?le.