La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Hadès apparut dans sa chambre, où seul le feu trop vif éclairait la pièce, aussi aveuglant que les flammes du Phlégéthon. Il aurait presque préféré que la cheminée ne soit pas allumée et qu’il n’ait pas à affronter les flammes ce soir, car leur lueur lui rappelait que le monde extérieur ne souhaitait pas son bonheur.

Cela lui donnait envie de redevenir ermite, de tourner le dos au monde comme il l’avait fait au début de son règne de roi des Enfers, mais lorsqu’il posa les yeux sur Perséphone, qui dormait dans un océan de satin noir, il sut que c’était impossible. Elle était trop sociable, trop aimante et trop investie pour laisser le royaume des mortels derrière elle. Elle souhaitait sauver le monde, même les aspects de celui-ci qui ne méritaient pas sa gentillesse, et c’est parce qu’elle le voulait qu’Hadès y tenait aussi.

Il soupira et se passa la main dans les cheveux avant de retirer l’élastique qui les retenait. Il traversa la pièce jusqu’au bar et se servit un shot de whiskey, qu’il but rapidement avant de rejoindre Perséphone au lit.

Il s’allongea sur le c?té et la regarda. Il ne voulait pas perturber son sommeil malgré son désir ardent pour elle. Même dans la pénombre, il devinait sans mal son visage, car il l’avait gravé dans sa mémoire ; ses sourcils arqués, la courbe de ses joues, la forme de ses lèvres. Elle était sublime, et son c?ur était infiniment bon. Il était certain qu’une part de lui serait toujours incrédule quant au fait qu’elle était à lui, qu’elle avait accepté de l’épouser, lui, malgré tout ce qu’il avait été et qu’il continuait d’être. Son c?té le plus sombre était conscient que des fian?ailles pouvaient être rompues et les mariages brisés.

Ce n’était pas qu’il s’attendait à ce que Perséphone le quitte, mais plut?t que le monde essaie de les séparer.

Perséphone soupira, tirant Hadès de ses pensées. Il se concentra sur son visage et vit que ses yeux bougeaient derrière ses paupières. Elle fron?a les sourcils, son souffle accéléra et sa poitrine se souleva de plus en plus vite.

— Perséphone ? chuchota-t-il, et elle gémit en pressant sa tête dans l’oreiller tout en se cambrant.

Ses mains étaient jointes au-dessus de sa tête, les poings fermés, comme si quelqu’un la maintenait au sol.

Soudain, elle se crispa et chuchota un prénom qui gla?a le sang d’Hadès.

— Pirithoos.

Hadès se dressa sur un coude, transi de peur. Cet homme. Ce nom.

Poussé par Thésée, Pirithoos avait kidnappé Perséphone après l’avoir surveillée pendant des semaines. Hadès se souvenait encore des notes que le demi-dieu avait rédigées dans le journal qu’il gardait à son bureau, décrivant les tenues de Perséphone, leurs interactions, et tout ce qu’il voulait lui faire. Cette lecture avait été horrible et cela n’avait fait que rendre encore plus horrifiant le cauchemar qu’avait été son enlèvement.

Ces mêmes sentiments s’emparaient d’Hadès maintenant, lui déchirant la poitrine.

Hélas, c’était une sensation familière. Le demi-dieu hantait son sommeil depuis le jour où il l’avait kidnappée.

— Perséphone, dit Hadès en posant sa main sur son ventre, lui arrachant un gémissement. Chhhut, murmura-t-il pour l’apaiser, mais un sanglot jaillit de sa gorge.

Elle retira brusquement sa main et s’assit dans le lit, le souffle court. Il lui laissa le temps de revenir à la réalité, craignant d’aggraver son angoisse en la touchant trop vite après son cauchemar, même s’il voulait désespérément la prendre dans ses bras pour l’aider à se sentir en sécurité, pour ne jamais plus la laisser partir.

Elle tourna la tête et sembla se détendre en le voyant. Soudain, il se sentit moins inutile. Il craignait parfois de n’avoir rien fait de bien dans les jours qui avaient suivi son enlèvement, et qu’un jour, il déclencherait sans le vouloir un souvenir de cette nuit horrible. Que ferait-il, alors ? Comment se rachèterait-il ?

Il lui paraissait impossible de la garder en sécurité.

— Tu vas bien ? demanda-t-il.

Sa poitrine se souleva, elle respirait en l’étudiant avec la même intensité que lui. Elle était au-delà de tout ce qu’il avait imaginé posséder un jour : sublime et gracieuse, bien trop bonne, comparée aux choses qu’il avait faites au cours de ses nombreuses vies. Pourtant elle restait avec lui, comme une lumière fixe à ses c?tés, un phare qu’il pouvait suivre dans la nuit.

C’était dans ces moments de calme que l’amour qu’elle avait pour lui l’accablait.

— Tu n’as pas dormi.

Le chuchotement de sa voix glissa sur sa peau, éveillant son désir, ce qui lui parut mal.

— Non, répondit-il en s’asseyant et en se tournant vers elle pour la regarder.

Ses joues rouges et ses yeux vifs révélaient qu’elle avait puisé dans sa magie pendant qu’elle rêvait.

Hadès effleura sa joue avec son pouce et elle ferma les yeux, comme si sa caresse la réconfortait. Son c?ur se mit à battre la chamade en y pensant. Les émotions qu’elle lui procurait lui apportaient un sentiment de puissance qu’elle était seule à pouvoir lui offrir.

— Parle-moi, dit-il, même s’il savait ce qu’elle répondrait.

— J’ai encore rêvé de Pirithoos.

Sa main retomba et il serra les poings. C’était une chose de le savoir, une autre de l’entendre.

— Il te fait du mal, même dans ton sommeil, dit Hadès.

Pirithoos la hantait alors que son ?me était emprisonnée au Tartare ; elle hantait même Hadès, peu importait le nombre de fois qu’il torturait le demi-dieu.

— Je t’ai fait défaut ce jour-là.

— Comment aurais-tu pu savoir qu’il allait me kidnapper ?

— J’aurais d? le savoir.

Hadès était fier de tout savoir et de tout anticiper. Il avait pris toutes les précautions concernant Perséphone, s’assurant qu’Antoni l’emmène et la ramène du travail, assignant à Zofie sa protection, une Aegis qui assurait sa garde à chaque instant, même de loin. Il lui avait offert autant de liberté qu’il le pouvait, sans doute trop, même, étant donné qu’elle était une cible pour de nombreuses personnes, des ennemis qu’elle ne pouvait même pas imaginer. Toutefois, il ne pouvait pas l’enfermer dans une cage, même si cette cage était son royaume.

— Tu n’es pas omniscient, Hadès, chuchota Perséphone.

Elle essayait d’apaiser sa souffrance, et elle ne pouvait se douter qu’elle ne faisait que l’aggraver. Omniscient ou pas, il se sentait quand même coupable de ce qui s’était passé. Il en voulait à Zofie, aussi, et lorsqu’il avait voulu mettre fin à sa mission d’Aegis, la déesse l’avait défendue.

Il n’était pas fier de ses actions. Il aurait d? réconforter Perséphone. Elle souffrait. Il le savait, même quand il lui faisait l’amour ; il le sentait dans les tensions de son corps et avait parfaitement conscience du temps qu’il lui fallait pour la mettre à l’aise.

Cet homme, ce demi-dieu, avait envahi l’espace qui leur était le plus privé et le plus intime, et cela le rendait fou de rage.

Il savait pourtant que c’était justement le pouvoir des demi-divins.

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