La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

— J’ai rêvé de l’Ophiotauros, dit-elle.

Hadès resta silencieux quelques secondes avant de l’interroger.

— Et comment fonctionnent les rêves, pour toi ?

Tous les Oracles étaient différents. La croyance voulait que les rêves soient le seul aper?u que les dieux et les mortels avaient des esprits des Moires. Parfois, leurs rêves prédisaient l’avenir exactement comme il se déroulerait, parfois ils n’étaient que des mises en garde concernant ce qui allait arriver, mais les détails restaient alors flous, et parfois, ce n’étaient que le reflet des peurs. Un bon Oracle savait faire la différence, et comme Hadès savait que Katerina l’était, il se doutait que ce n’était pas seulement une peur.

— Je n’ai jamais rêvé de quelque chose qui ne s’est pas produit, répondit-elle.

Il sembla soudain à Hadès qu’un poids énorme s’enfon?ait dans son ventre.

— Raconte-moi, dit-il.

Katerina secoua la tête avant de parler.

— Cette créature, l’Ophiotauros. Sa mort est le catalyseur d’une guerre qui durera des années, et à la fin, le monde sera divisé en deux.

— Qu’as-tu vu d’autre ? demanda-t-il.

— Du feu partout et des corps calcinés, dit-elle. Il ne restait plus rien de ce monde tel que nous le connaissons, comme si… nous étions revenus aux origines de la terre.

— As-tu reconnu certains corps ?

Il savait que oui parce qu’elle ne lui donnait pas les informations les plus importantes. Or ce qui comptait, c’était de savoir qui était mort dans les flammes.

— Hadès… chuchota-t-elle, les yeux brillants.

— Tu as vu Perséphone ? demanda-t-il.

Elle secoua la tête et il put enfin respirer de nouveau, contrairement à Katerina qui s’était figée.

— Je vous ai vu, vous.

Hadès n’avait jamais pensé à ce qu’il ressentirait lorsqu’il serait confronté à sa propre mort, mais il supposa que cette situation l’en rapprochait : un rêve prophétique offert à une Oracle qui ne se trompait jamais.

— Il y avait d’autres corps ? demanda-t-il.

Elle déglutit en secouant la tête.

— Je… je n’ai pas pu vous quitter des yeux. Peut-être d’autres Oracles ont-ils eu des rêves similaires.

Hadès hocha la tête, confus.

— Donc l’Ophiotauros est le catalyseur de cette fin ? demanda-t-il. Tu veux dire que quiconque le tuera aura le pouvoir de provoquer cette fin ?

— Vous savez comment ?a fonctionne, Hadès, dit-elle.

Elle pouvait seulement lui faire part des mots et des visions. C’était à lui de comprendre ce qu’ils voulaient dire.

Il détestait ce jeu.

— Putain de Moires ! gronda-t-il en frappant le mur en verre, qui se fissura.

Katerina ne grima?a même pas. Elle resta silencieuse quelques secondes avant de reprendre, d’un ton calme : — Je vais en informer Ivy. Elle le fera réparer d’ici la fin de la journée.

Hadès déglutit et hocha la tête.

— Merci pour l’information, Katerina.

Des larmes coulaient sur ses joues. ? l’évidence, elle n’avait pas plus aimé lui transmettre la nouvelle qu’il n’avait aimé la recevoir.

Hadès sortit de son bureau et retourna à l’étage de Perséphone. Ce dont il avait besoin, tout de suite, c’était sa présence réconfortante. Mais une odeur étrange envahit brusquement ses narines et il s’arrêta. Elle était rafra?chissante et presque… médicinale.

C’était du laurier.

Son sang se gla?a.

Merde.

Il courut au bout du couloir, à l’endroit où il s’était manifesté avec Perséphone, et découvrit l’odeur de la magie d’Apollon dans l’air.

Le dieu de la Musique l’avait emmenée.

*

* *

Hadès se rendit dans son bureau et saisit le combiné du téléphone.

— Ivy.

— Milord ! répondit-elle d’un ton joyeux, ne percevant pas sa colère. Je ne savais pas que vous étiez là !

— Faites monter Zofie, gronda-t-il.

— Tout de suite, Milord.

Il avait convoqué Zofie à la tour, ce matin, afin qu’elle assure la protection de Perséphone, mais sa présence ne lui avait pas paru essentielle puisqu’il était également là. Il s’était trompé.

Hadès fit les cent pas dans la nouvelle salle d’attente de Perséphone, on ne peut plus énervé. Il avait beau lui offrir un lieu où travailler, il ne pouvait pas la protéger de toutes les menaces, dont l’une était Apollon.

Est-ce que le dieu savait le danger qu’encourait Perséphone ? Il l’aurait d?, pourtant.

Après tout, c’était lui qui avait fait l’autopsie d’Adonis. C’était lui qui avait revécu l’agression d’Harmonie. Il aurait d? comprendre qu’emmener Perséphone pour lui tenir compagnie n’était pas dans l’intérêt de la déesse, dans cette période trouble.

S’il était parfaitement capable de suivre la magie d’Apollon et d’arracher sa déesse, Hadès savait qu’ils étaient liés par un contrat que Perséphone se devait d’honorer.

Il détestait ?a.

Elle aurait d? s’en extirper quand il lui en avait donné l’occasion, et il ne comprenait pas qu’elle ne l’ait pas fait. Quand apprendrait-elle qu’elle ne pouvait pas changer les gens ? Apollon finirait par la décevoir, t?t ou tard, tout comme Hadès. Il en était certain.

L’ascenseur annon?a son arrivée par un bip aga?ant et Hadès leva la tête quand Zofie en sortit. Il ne lui laissa pas faire un pas avant de lui parler.

— Perséphone est à la Palestre de Delphes avec Apollon.

Il le savait, car il pouvait tracer les pierres de sa bague de fian?ailles. Chaque joyau avait une énergie unique qu’il pouvait sentir, quelle que f?t la distance qui les séparait.

— Je veux que tu y ailles pour garder un ?il sur eux, même si Perséphone n’est pas au courant de ta présence.

L’Amazone écarquilla les yeux.

— Je… je ne le savais pas. Je suis tellement dé…

— Ne sois pas désolée. Contente-toi d’y aller, ordonna-t-il.

Si Hadès avait engagé Zofie pour protéger Perséphone, il commen?ait à penser qu’il lui fallait quelqu’un qui avait autre chose que des talents de guerrière. En tant qu’Amazone, Zofie n’avait aucun talent pour combattre la magie. Il n’était même pas certain qu’elle le sache. Sans doute finirait-elle par mourir en essayant de s’opposer à un dieu.

C’était là toute la loyauté et la dévotion d’une Amazone, même celles qui avaient été bannies.

— Bien s?r, dit-elle, hésitant un instant avant d’appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée.

Il y eut une pause gênante, puis Hadès reprit :

— Téléporte-toi, Zofie, dit-il.

— Bien s?r, répondit-elle avant de dispara?tre.

Hadès soupira en prenant son visage dans ses mains.

— Nom d’une putain de pipe ! grommela-t-il.

— Ce serait un plaisir, dit Hermès en apparaissant dans un nuage scintillant de magie.

Hadès laissa tomber ses mains et pencha la tête sur le c?té.

— Pourquoi tant cinéma ? Tu n’es pas en public.

— Je voulais surprendre Perséphone, dit Hermès. Je ne crois pas qu’elle ait déjà vu mon… effervescence.

Hadès haussa un sourcil et Hermès regarda autour de lui.

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